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Sommaire du volume 2

 

Chapitre 6 - Yuukei Yesterday III

Un jour de mi-été.

Derrière la fenêtre se trouvait un ciel bleu et ensoleillé. A l’horizon, on pouvait y voir d’énormes nuages cumunolimbus.

“…. Non mais ça sert à rien de faire ça, je comprends que dalle….”

Dans la salle de classe se déroulait un cours d’été fumant.
Haruka se débrouillait très bien avec ses tas de fiches de travail qui étaient juste devant lui, mais moi, par contre, j’arrivais à peine à m’en sortir, de cette rude bataille, essayant de décoder chacune des questions.

Pas mal de temps était passé depuis le festival culturel, et nous étions depuis passés en classe de première.

Même si, comme d’habitude, les seuls élèves de cette classe étaient Haruka et moi, et que malheureusement, notre professeur était encore et toujours Mr. Tateyama.

Au fil du temps, les cours devenaient de plus en plus durs, et pour moi, qui était, en toute honnêteté, pas très maligne, mes moyennes ne cessaient de chuter.

“Hein? Takane, ta main a encore arrêté de bouger. Tu veux que je t’explique une nouvelle fois comment on fait?”

Haruka avait déjà fait presque le double de ce que j’avais fait, et plus tôt, j’avais goûté l’amère humiliation de se faire expliquer par Haruka les problèmes dont je ne comprenais absolument rien.

“L-La ferme! J’ai presque fini de le résoudre, alors tais-toi!”

Même si j’avais dit ça et que je m’étais reconcentrée sur mes feuilles, je comprenais à peine ce qu’il y avait d’écrit.

C’était des maths, mais aussi de l’anglais, et plutôt que d’y répondre, il fallait y donner des formules; un bazar sans nom.

“Ahaha, pardon, pardon. C’est vrai, il n’y a aucun intérêt de le faire, si tu peux te débrouiller toute seule! Bonne chance!”

Haruka prit une pose fière et pleine de courage, puis a recommencé à travailler, avec aisance, sur ses exercices.

'Tain…. Il pouvait pas rester un tout petit peu plus longtemps avec moi?

C’était pas bon. À ce rythme, je vais encore être la seule à rester ici.

Quand Haruka terminait ses exos, il me demandait tout le temps, “Je t’aide?”

Il essayait sûrement de purement coopérer, mais si je le lui permettais, alors toute ma dignité serait en miettes.

Voilà pourquoi aujourd’hui, comme d’hab’, je l’envoyais toujours voir ailleurs si j’y étais, “Je veux le faire toute seule, alors dépêche et rentre chez toi!”

Ahh …. Mais qu’est-ce que je faisais, au juste? Mes précieuses vacances d’été étaient gâchées, tout ça à cause de mes mauvaises notes et de mon étrange amour-propre.

J’avais prévu au départ de me préparer pour le prochain tournoi de jeu vidéo, en me m’entraînant à fond dans ma chambre, mais jamais je n’aurais imaginé que je perdrais mon temps comme maintenant.

“Haah, que faire? J’ai l’impression d’avoir complètement perdu la main…. Et je me suis pas connectée depuis deux jours non plus. Peut-être que je devrais juste abandonner, cette fois …”

Me plaignai-je, ma joue sur la table. Au même moment, Haruka murmura “Et voilà,” avant de commencer à rassembler ses feuilles, dont toutes les réponses y étaient inscrites.

“Hein!? Haruka, t’as fini!? Hé, attends, tu pars déjà!?”

Surprise de le voir avoir fini aussi rapidement, les mots qui étaient sortis de ma bouche avaient l’air de dire que je me sentirais seule s’il partait chez lui.

J’ai donc commencé de reformuler, pour me corriger, mais Haruka ne m’a même pas calculée, et a mis son sac sur son bureau.

“Ah …. B-Ben, tu peux y aller si tu veux. Rentre à la maison et va t’empriffer, ouais. Ça me va de travailler toute seule.”

J’avais finalement fabriqué cette excuse. Tandis que je croisai les bras, Haruka, cependant, me regarda et dit “Hein? Mais je ne m’en vais pas.” avant de sortir de son sac un ordi portable.

Il l’avait démarré assez lentement, et une fois ça de fait, Haruka entra son mot de passe sur l’écran de connexion avec une rapidité usuelle et habituelle. Enfin connecté, l’écran-titre s’afficha, accompagné d’un personnage aux cheveux blancs et au col noir, se nommant “Konoha”

“Qu-Quoiiiii!? Mais à quoi tu penses!? Tu vas jouer ici et maintenant!? Avec moi juste à côté !?”

“Oui! Vu que le tournoi approche, et qu’en plus je joue près de ton bureau, alors tu voudras aussi jouer et ainsi finir ton travail plus vite, non?”

“Mais non, je vais pas réussir à me concentrer ahhhhhh j’en ai marre!! J’veux jouer aussi!! Donne-moi ça!”

“Ouaaaah! P-Pas question!! Il faut que tu aies fini ton travail, d’abord!”

Ouaip; le jeu auquel allait jouer Haruka était celui qui avait fait l’objet de nombreux tournois auxquels j’avais participé.

Depuis le festival culturel, Haruka avait appris des choses qu’il n’aurait pas dû savoir (et il s’en serait beaucoup mieux porté) et avait donc commencé à jouer à ce fichu jeu.

Au début, je pensais qu’il allait s’ennuyer dès qu’il allait commencer, mais il est devenu accro et vraiment bon très rapidement.

Il était devenu un joueur bien connu de la plateforme, et était tellement doué, qu’il était devenu un des candidats sélectionnés pour le prochain tournoi.

…… Et tout ça remonte à la nuit du festival culturel.


“…. Eh bien, voilà, terminé le festival culturel. C’était assez sympa, vous ne trouvez pas?”

“Franchement, y’a beaucoup trop de trucs qui vont me traumatiser dans le futur …… Ah! Ces bouchées sont trop bonnes…!”

“Thakhane étchait vhraiment chenchachionnelle auchourd’hui.”

“Haruka, t’es dégueu’! Avale avant de parler! Et Mr. Tateyama, vous profitez trop de l’occaison! Vous buvez beaucoup trop, là!! Combien de verres vous avez eus!?”

Mr. Tateyama, Haruka, et moi, étions partis manger pour célébrer la fin du festival culturel.

Au final, Haruka avait déjà mangé à un rythme affolant tout ce qu’il avait récupéré, et après, nous avons tous les deux nettoyé en vitesse la salle et c’est de cette manière un peu trop hâtive que nous avons bouclé le festival.

Tout en nettoyant, je frappai Haruka à chaque fois qu’il m’appelait “Ene,” mais il avait pas l’air de bien comprendre pourquoi je lui en voulais.

C’était si agaçant.

Ensuite, comme s’il avait attendu le bon moment pour se pointer, Mr. Tateyama était apparu, en essayant de se donner un genre en disant des trucs comme “Un héros n’arrive jamais à l’heure….”. Et pareil à Haruka, je l’ai frappé sans pitié, puis l’ai forcé à nous emmener manger en ville pour s’excuser de son retard.

“Roh, mais si, tu sais, c’était tellement stylé! Ah, ça s’appelait comment déjà? ‘La Valse Fantôme—Le Saint Cauchemard— ’? Quand Ene tirait sur les ennemis les uns après les autres….!”

“Je t’ai déjà dit de ne jamais plus dire ce nom!! Aaaah …… ça craint ……”

Vu que le resto’ asiatique que j’avais choisi pour ce soir était assez éloigné de l’école, il n’y avait aucun autre élève du même festival culturel.

Je mis mon coude sur la table, à un endroit qui n’était pas envahi d’assiettes pleines puis ai couvert de ma main mon visage, en agonie.

“Hahaha! Donc t’as craqué à la fin, on dirait bien, hein! Bah, c’est pas si horrible que ça, alors ne t’inquiètes pas—Ene, arrête, ça fait mal !”

Je frappai alors le haut du bras de Mr. Tateyama, tout en poussant un gros soupir.

Afin de noyer mes problèmes, je bus d’un coup sec le jus d’orange qui se tenait devant moi.

“Ben oui, aucune raison de le cacher! Ah, mais d’ailleurs, le nom ‘Ene’ utilise bien les premières et dernières lettres de ‘Enomoto Takane’, c’est ça?”

“O-Ouais …. C’est ça … et alors?”

“Hein? Oh, non, je trouvais juste ça intéressant. Genre, un nom qui n’est pas ton vrai nom, c’est vraiment cool! J’ai envie d’avoir quelque chose comme ça, moi aussi!”

Marmonna Haruka tout en terminant le dernier plat (Mais combien de portions il avait ingéré aujourd’hui, en fait?), et en attendant impatiemment le prochain.

Non mais même en se sachant pas l’état de son estomac, ni si ça commençait à lui faire mal, c’était quand même plus qu’étrange qu’il n’y aille pas un peu plus mollo.

“Oh, et que penses-tu de ça? Quelque chose d’aussi lié à ‘La Danseuse Eclair —attends, attends!! Pardon, baisse ta main!!”

J’avais réduit Mr. Tateyama au silence en l’intimidant, parce qu’il ne faisait que de dire des trucs niais. Il allait bientôt être huit heures, mais vu que le lendemain allait être férié, on avait encore le temps.

“Un pseudo est quelque chose que vous trouvez de vous-mêmes, alors arrêtez-ça, vous deux. Vous êtes juste gênants ….”

Avant qu’Haruka ne les mange toutes, je mis des cerevettes au chili dans mon assiette, avant de répondre à leurs questions de façon plaintive.

“Oh, peut-être devrais-je y réfléchir, alors, moi aussi! Vu que mon nom est ‘Kokonose Haruka’ …. Alors peut-être quelque chose du genre ‘Konoha’!”

“Ouais, ouais, c’est déjà pas assez ? Ravie de faire ta connaissance, Konoha.”

J’avais répondu mollement juste pour qu’il se taise, mais Haruka était beaucoup plus content que je l’aurais imaginé, et était très excité, bizarrement, “Ohhh! Comme je le pensais, ça sonne super bien ….! Je vais utiliser ça dorénavant!”

—Et voilà comment on en est arrivé là.

“M-Mais c’est pas juste que tu joues autant!! T’améliorer dans ton coin … Sauf que j’ai vraiment envie de jouer, là!”

“C’est de ta faute Takane…! J’ai déjà fini tout ce que j’avais à faire, moi. Alors dès que tu auras terminé, on jouera ensemble, donc fais ton maximum, d’accord?”

Il était évident que ce que venait de dire Haruka était raisonné, mais je pouvais que me comporter en gamine, à dire “Mais …” “Roh, allez ….”

J’ai aussi réalisé, de nouveau, la différence entre moi, qui, flemmarde comme je suis, avait de mauvais résultats, et Haruka, qui en fait n’aurait même pas besoin de venir aux cours d’été, vu qu’il était très sérieux à propos de ses études.

Eh oui, Haruka ne revenait pas à l’école à cause de ses mauvaises notes. Vu la vitesse à laquelle il répond aux questions, il était le premier de la classe.

Son comportement en classe était, bien évidemment, parfait, et il n’avait pas besoin d’aide. Le hic, c’est qu’il était très souvent absent.

Décembre dernier, Mr. Tateyama et moi avions été invités par Haruka à Noël, qui l’avait organisé tout seul comme un grand.

Et étant donné que c’était aussi son anniversaire, je me souviens m’être éloignée du chemin par lequel je passais afin de lui acheter un petit cadeau, histoire de le surprendre.

Avec mon maigre argent de poche, j’avais tout fait pour économiser au max’, et même si ça me faisait un peu mal au coeur de dépenser l’argent que j’avais réussi à garder, ça me remontait bizarrement le moral d’imaginer à quel point Haruka serait content en voyant mon cadeau.

—Mais le jour J, Haruka eut une crise cardiaque, et s’est évanoui.

Heureusement, on l’a emmené à temps à l’hôpital, donc il a pu se rétablir.

En ces temps-là, Mr. Tateyama et moi étions alors en pleine précipitation, pour lui cuisiner l’équivalent de cinq rations, mais même en faisant ça, Haruka fut hospitalisé.

Une semaine plus tard, il fut libéré, et à la fin des vacances d’Hiver, il était en assez bon état pour reprendre les cours, sauf qu’un mois plus tard, il a eu une autre crise.

Depuis, sa santé ne faisait qu’empirer, et il n’a pas pu revenir à l’école pendant environ un mois.

Sauf qu’à la place de s’inquiéter de son propre état, Haruka se préoccupait du jeu en ligne auquel il était devenu addict, et n’arrêtait pas de me dire, “Une fois sorti, il faudrait que je m’entraîne.”

Et après ça, nous avons pu tous les deux passer en Première, mais Haruka devenait de plus en plus fragile, et même quand ce n’était pas très grave et qu’il n’avait pas besoin d’aller à l’hôpital, il était très souvent absent.

Et donc, là, il essaie de rattraper son retard en prenant des cours pendant l’été.

Haruka ne s’en était pas plaint, et au contraire avait dit: “Si je les prends avec Takane, alors ça sera amusant”, mais je me demandais réellement ce qu’il ressentait vraiment.

—Je… n’arrivais pas trop à le comprendre.

“Oh, une nouvelle arme! C’est parce que le tournoi arrive bientôt? Hmm, je me demande si je devrais l’acheter ….”

Haruka regardait avec des yeux pétillants l’écran, et je n’arrivais pas à sentir une quelconque dépression venant de lui.

…Oui…en y réfléchissant, je crois ne l’avoir jamais vu déprimé.

Même moi qui était sa seule camarade de classe, même en devant s’assoir et regarder la fête du sport à laquelle il voulait tant participer, ou même quand il était hospitalisé et ne pouvait pas venir à l’école ; il souriait.

Et je me suis toujours, toujours, énervée en voyant son sourire, j’en étais scandalisée…mais aussi captivée.

“Dis, Haruka …”

“Oui? Qu’est-ce qu’il y a? Oh, u-une seconde, tu veux bien? Le match vient de commencer!”

Sans détacher ses yeux de l’écran, Haruka essayait désespérément de livrer la bataille.

La façon qu’il avait de jouer au jeu en se parlant à lui-même était presque comme celle d’un petit garçon angélique.

…. Mais sérieux, c’était vraiment un ignorant. En vrai, il aurait pas pu prendre plus de temps pour terminer son boulot, pour qu’il puisse rester avec moi plus longtemps?

Je soupirai, et ai fixé mes feuilles une fois de plus, mais à cause des bruits de tirs près de moi, je n’arrivais pas du tout à me focaliser sur mon travail.

C’était quoi l’intérêt de “finir mon travail plus vite”? Cela n’avait-il pas l’effet opposé, vu comment ça me déconcentrait?

Je le fixai avec des yeux perçants, en espérant le faire se retourner, mais comme d’hab’, il ne faisait pas du tout attention à moi, et ma colère s’est alors vite dissipée.

Ayant perdu toute motivation à travailler, je laissai tomber ma joue sur ma paume tout en jouant à faire rouler mon critérium, et d’un coup, j’ai eu une bonne idée. Je me suis rassise, tout en fouillant dans mon sac qui était à côté de mon bureau et j’en ai sorti mon casque.

…… Si je le mets d’une façon brusque, alors il deviendra impatient et arrêtera de jouer.

Quand les gens se renferment dans leur bulle tout en laissant les autres faire autre chose à côté, ces derniers se sentent alors très seuls. Et ça allait lui faire la même chose.

Je mis mon casque, et je le branchai à mon téléphone portable, qui était alors dans ma poche.

Même si j’essayais de réfléchir à quelle musique je voulais écouter, il n’y en avait aucune que j’avais vraiment envie d’entendre, alors j’ai simplement mis la radio, et comme on pouvait s’y attendre, une petite musique, qui semblait correspondre à la musique de fond d’un thé prit à cinq heures, commença à jouer.

Et comme ça, je tournai, dos à Haruka, et posai ma tête sur mon bureau, avant de fermer les yeux et d’écouter la radio.

Si je faisais ça, alors Haruka le remarquerait et essayerait de me parler. Et à ce moment-là, je lui dirais, “J’écoute la radio là, alors tu me parleras plus tard.”

Voilà ma parfaite stratégie. Je souris, confiante.

…. Mais même après un petit bout de temps, Haruka ne m’avait toujours pas adressé la parole.

Pendant les premières minutes, je me rassurais, “Bah, encore un peu plus longtemps, et il dira un truc.”, sans me retourner vers Haruka.

Cependant, après un certain temps, je commençai à perdre patience, face à la faiblesse de ma propore impatience.

…. Lent. Trop lent.

Je n’écoutai plus la radio, et à la place, j’essayai de lutter contre mon propre désir de le regarder.

Vingt minutes plus tard, j’avais atteint, beaucoup trop rapidement mes limites.

“Ah, ahhh…Qu’est-ce que je m’ennuie… Je me demande si je devrais rentrer chez moi…”

Même si c’était contre ma volonté, j’avais marmonné ça sans me tourner.

Je commençais vraiment à avoir honte de mon immaturité.

Bordel. Pourquoi fallait-il que je réfléchisse comme ça, avec ce gars?

C’était aussi de sa faute, hein. C’était beaucoup trop cruel de sa part de m’ignorer après tout ce temps.

Ou alors c’est parce que je suis pas attirante ….?

En pensant ça, je me suis sentie mal à l’aise, pour une raison que j’ignorais, et j’avais envie de voir ce qu’Haruka faisait, s’il ne m’avait toujours pas interpellée.

D’une pulsion soudaine, j’oubliai ma résolution, et me suis rassise. Tout en enlevant mon casque, je me mis face à Haruka.

“Hé! …… Haruka?”

Après avoir enlevé mon casque, le monde sans radio était maintenant un monde avec la musique de fond du jeu.

Les bruits de tir s’étaient interrompus, et je n’entendai pas la manette se faire manipuler.

—Les mains d’Haruka étaient immobiles, et sa tête pendait et penchait vers le bas.

…… Il était totalement silencieux.

“H-Haruka!”

J’ai tout de suite deviné que ça n’allait ças. Bondissant de ma chaise, je secouai alors vivement Haruka.

Mais il ne répondait pas; les épaules que j’avais touchées étaient froides, très froides, trop froides. C’était comme si son âme et son esprit étaient partis, laissant son corps inanimé.

Je n’arrivai plus à réfléchir, ni même à penser. Mes jambes commencèrent à trembler, et des larmes de peur se formaient, peu à peu.

“Non …… c’est—c’est pas possible ……! À-À l’aide!! Y’a quelqu’un!?”

Tout en portant sur moi le corps froid et sans-vie d’Haruka, je criai en direction de la porte, qui accédait au couloir.

Mais aucune réponse. Vu que c’était les vacances d’été, et même s’il y avait quelques personnes dans l’établissmeent, la localisation de la classe faisait que personne ne pouvait être dans les environs.

“À l’aide …. À l’aide ……!!”

Je ne pouvais plus prendre de décisions censées. Tout ce que je pouvais faire, c’était m’aggriper au corps inconscient d’Haruka, et trembler.

Si je le lâchais, alors je ne pourrais plus le rattraper, et j’avais l’impression étrange qu’il allait partir très loin, sans que je puisse le revoir.

“Oh, Seigneur ……!”

A l’instant où je priai, la porte s’ouvrit brusquement.

Un homme en blouse blanche, à l’apparence familière, s’approcha de moi et me murmura, “Tout va bien,” et —prit doucement Haruka dans ses bras.


La tension était palpable, dans la salle d’attente de l’hôpital.

Parfois, on pouvait entendre les infirmières courir, et à chaque fois, mes épaules en tremblaient.

Haruka avait été emmené à l’Hôpital Général, qui a été construit sur une colline, quelques mois auparavant.

Mr. Tateyama et moi étions les seuls assis sur le grand banc, face à la salle d’urgences.

Le mouchoir que je serrais dans mes mains était déjà trempé, mais des larmes continuaient de couler depuis mes yeux.

“…… Monsieur …. Haruka …. Il va se réveiller, hein? …. Il va aller mieux, hein?”

J’avais déjà posé à Mr. Tateyama cette question un bon nombre de fois.

Je savais que ça l’embêtait sûrement.

Mais Mr. Tateyama me sourit quand même et me dit, “Il fait aussi de son mieux, donc ne t’inquiète pas, il va y arriver,” tout en tapotant mon dos.

Mais, quand j’avais été hospitalisée avant, est-ce que ma grand-mère s’était sentie comme ça, dans la salle d’attente?

C’était comme si on marchait dans un tunnel sans fin, en ne regardant que ses pieds.

“Il va s’en sortir.”

Même si j’essayais de me dire ça, j’étais toujours aussi paniquée, et je ne pouvais qu’imaginer le pire.

Si seulement je l’avais remarqué plus tôt, on en serait pas là.

A cause de ma putain d’arrogance, Haruka avait dû souffrir, tout seul.

Il avait dû essayer de me demander de l’aide, jusqu’à perdre connaissance.

Mais moi je …… moi je ……!

Je ne me suis jamais autant haïe qu’à ce moment-là.

Les larmes qui étaient tombées sur la main tenant le mouchoir s’étaient transformées en gouttes.

—Ben oui. Si j’étais si inutile, alors j’avais pas le droit d’être près de lui, ou même de m’inquiéter pour lui.

Qu’est-ce que je lui dirais, à son réveil?

Un truc du genre, “Je suis si heureuse que tu ailles bien, j’avais tellement peur”?

La seule personne importante pour moi, c’était moi-même. Ne m’inquiétant pour lui que quand quelque chose de grave comme ça arrivait. Et en pensant que je pouvais tout régler en disant ça.

Si Mr. Tateyama n’était pas venu aussi rapidement, alors je n’aurais rien fait pour aider Haruka.

Voilà à quel point j’étais incapable; incapable, égoïste et égocentrique.

L’enseigne au dessus de la porte menant à la salle d’urgences, alors allumée, s’éteignit.

Les portes automatiques s’ouvrirent, et le docteur d’Haruka en sortit, portant une blouse chirurgicale.

Mr. Tateyama se leva, et s’est précipité vers le docteur, et avait l’air de parler avec lui, mais j’étais incapable de bouger, à cause de mon anxiété et de ma peur.

Je n’arrivais pas non plus à comprendre ce qu’ils se disaient non plus, et je les ai tout simplement regardé discuter.

“…. D’accord. S’il vous plaît …. Faites le nécessaire.”

Mr. Tateyama pencha sa tête pour le saluer, avant que le docteur ne lui murmura deux-trois mots pour ensuite partir dans le hall.

“M-Monsieur …. Est-ce que Haruka ….?!”

Restée assise, ma tête trouble et troublée, j’attrapai la manche de la blouse de Mr. Tateyama. Il me répondit avec un viage légèrement rassuré.

“…. Aparemment, il est en train de dormir, mais il a réussi à ça de s’en sortir.”

Mr. Tateyama se laissa tomber sur la chaise voisine.

La sueur de son front dégoulina jusqu’au col de sa blouse.

Entendre ça avait déjà apaisé mon coeur.

Haruka était en vie. Savoir ça, juste ça, m’a rendu si heureuse que rien d’autre ne m’importait.

Mais, dès après avoir pensé au sourire d’Haruka, j’avais eu un pressentiment selon lequel je ne le reverrais plus jamais de ma vie, et ma poitrine commença à me faire sérieusement mal.

…. Il était possible qu’il ne voulait plus me voir.

Il avait dû commencer à me détester, étant incapable de faire la moindre chose, alors qu’il était souffrant.

S’il se réveillait aujourd’hui, quelle tête il ferait, en me voyant?

Je ne pouvais m’empêchait d’avoir très, très peur en y réfléchissant.

“…… Monsieur, je … je vais aller chercher ses affaires ….”

“Hm? Ahh, maintenant que j’y pense, on a laissé son portable, son portefeuille et tout là-bas et …… Attends un peu, tu es sûre que ça te va d’y aller toute seule?”

“Oui, ça ira …. Monsieur, si Haruka se réveille, restez à ses côtés, s’il vous plaît.”

En disant ça, je me levai et me dirigeai vers la sortie.

Mais de quoi je veux fuir, là? Bon, allez, il faut juste que je parte d’ici.

Au moment où je sortis, au bout du hall, mon corps se fit envelopper de l’air tiède de dehors.

Je sentis l’envie soudaine de re-pleurer, une fois seule, mais je mis mon casque, qui était alors autour de mon cou, et ai commençé à marcher, sans regarder derrière moi.


Le temps que j’arrive à l’école, on était déjà le soir.

Comparées à celles de la journée, les cigales étaient beaucoup moins bruyantes, et la température avait pas mal chuté.

Cependant, peut-être parce que je m’étais dépêchée, ma chemise était trempée de sueur, et me collait au dos.

En mettant mes chaussons et en allant vers le couloir, je regardai vers la partie droite du couloir, en direction de la salle de classe.

Par rapport à tout à l’heure, l’école était encore plus calme. Dans une heure, il allait sûrement faire complètement noir.

En y réfléchissant, cela faisait déjà un an depuis le festival culturel, où ce même couloir avait été bondé par des visiteurs.

Des fans un peu bizarres s’étaient réunis, et une fille fantôme était aussi venue. Ce jour avait vraiment été un bazar pas possible. Haruka était, depuis ce jour, devenu addict à ce jeu en ligne et j’avais aussi fait ma première amie, ce jour-là ….

“Ah, Takane, ça fait un bon moment depuis que nous nous sommes pas vues. Que se passe-t-il?”

Je fus interrompue en pleine réflexion par quelqu’un m’adressant la parole, alors j’enlevai mon casque.

Quand je me suis retournée, je vis une fille avec une grande écharpe couleur carmin, même si aujourd’hui était un jour estival.

“Ahh, Ayano, ça fait un bail. Mais attends, pourquoi t’es là?”

Lorsque je lui posai cette question, Ayano bafouilla un petit “E-Eh bien ….”, accompagné de mouvements timides et plein d’embarras.

L’espace d’un instant, je ne comprenais pas ce que cela signifait, mais quand j’y ai réfléchi, Ayano ne faisait aucun activité extrascolaire, donc il n’y avait qu’une explicatuon qu’elle soit ici, à l’école.

“… Ma petite Ayano prendrait-elle aussi des cours en été? Même en étant en seconde?”

“O-Oui…c’est parce que mes notes sont vraiment mauvaises….”

Ayano détourna le regard avant de rigoler bizarrement.

Je me demandais si ses notes s’étaient empirées depuis la dernière fois que je l’ai vue.

“… Eh bien, ça a l’air d’être assez emmerdant. Je compatis.”

“Ah, mais je crois me souvenir que mon père m’avait dit que tu prenais aussi des cours en vacances, c’est bien vrai….?”

… Ce prof parlait vraiment trop. Non, c’est pas bien de dire n’importe quel truc qui te passe par la tête, juste parce que c’est ta fille.

“E-Eh bien, et si on n’en parlait pas, hm? On va commencer à déprimer sinon …. Ah et d’ailleurs, il est pas là, l’autre?”

Je jetai un coup d’oeil dans les environs, pour voir si cette personne malpolie et culottée était là, ce qui n’était pas le cas.

On dirait que mon sous-entendu a bien été compris.

“Tu veux dire Shintaro? Oh non, il est très intelligent, alors pour qu’il prenne des cours pendant les vacances d’été….”

A l’instant où le sujet porta sur Shintaro, la voix d’Ayano devint un peu plus aigüe. On pouvait lire en elle comme un livre ouvert.

“Ahh, oui c’est vrai, il est intelligent. C’est pas trop chiant pour toi, Ayano? Je veux dire, devoir s’occuper de ce gars sans-coeur. “

“Hein…? Je ne suis pas d’accord. Une fois qu’on parle avec lui, il est très gentil. Il est juste un peu timide, tu sais.”

Dit Ayano, avant de sourire jusqu’aux oreilles.

Ahh, cette fille va avoir plein d’emmerdes dans le futur, avec cette personnalité. Moi, je voyais Shintaro comme un enfoiré, mais selon Ayano, ce côté était mignon.

“Je vois. Bon, ce serait quand même bien qu’il soit un peu plus poli …… Mais franchement, avoir une fille comme toi près de lui fait de Shintaro un pourri-gâté heureux.”

Après avoir dit ça, le visage d’Aynao sembla s’assombrir.

J’ai peut-être dit quelque chose qu’il ne fallait pas?

Je n’en avais pas du tout eu l’intention.

“…. Non, je ne suis pas celle qu’il lui faut. Il a besoin de quelqu’un encore plus narcissique que lui, et aussi quelqu’un d’énergique, pour qu’il puisse sortir de sa zone de confort ….Tout ce que je fais, c’est le suivre. Je ne peux absolument rien faire pour lui ….”

Ayano rigola avec gêne et se frotta la tête. Non, non, attendez une seconde, il ne pouvait pas exister dans ce monde une personne encore plus pleine de soi, malhonnête et fière, qui cache quelque chose. …… Ou alors—?

“Non, c’est juste impossible ……”

“Hein? Tu as dit quelque chose?”

“Ah, non, non!! C’est rien!! Je me parlais à moi même! Ah, Ayano, je suis désolée de te retenir. Tu dois vite rentrer chez toi, non?”

Je fis un geste de la main pour la chasser d’ici, avant qu’elle ne soit en retard.

“Ahh, non, j’étais contente d’avoir pu parler avec toi. Mais oui … je pensais justement retourner à la maison, donc si tu pars aussi, on peut peut-être rentrer ensemble, Takane?”

“Ah, eh bien …. Si tu veux, Haruka s’est évanoui, tout à l’heure. Ton père est avec lui à l’hosto, donc je dois aller lui donner ses affaires ……”

Après que j’ai dit ça, Ayano eu un air surpris et effrayé, et baissa la tête.

“J-Je suis tellement désolée! Je t’ai arrêtée dans ta course sans le savoir. Tu dois y aller le plus tôt possible, j’imagine? Est-ce qu’Haruka va bien, au moins ….?”

“Ah, non, t’inquiète! Il est toujours inconscient, mais pas mort, donc tant que ton père est là, tout ira bien. Et puis bon … même si je retourne là-bas, je vais plus être un boulet qu’autre chose, donc ….”

Ces mots que j’avais laissé sortir semblaient vraiment exprimer à quel point je me dénigrais, et curieusement, je ressentis une douleur à la poitrine.

Pourquoi j’avais dit ça? Cela n’avait rien à voir avec Ayano.

“…. Quelque chose est arrivé, Takane? Ah et, euh, je suis sûre qu’Haruka ne pense pas que tu sois un ‘boulet’.”

“Ouais …. mais bon, je sais pas comment lui faire face … Donc si je peux, je vais juste donner ses trucs au réceptionniste et rentrer chez moi….”

Je n’arrivais pas à me décider. Ce n’était pas ce que je voulais faire.

Je levai les yeux, et vis qu’Ayano faisait une tête différente de celle gentillette et douce qui m’était habituelle. Ses joues étaient un peu gonflées, et elle semblait presque fâchée.

C’était la première fois que je la voyais comme ça, et ça m’avait vraiment surpris.

“Takane. Tu es en train de mentir à tes sentiments. Même en ayant décidé quoi faire, tu prends peur, et tu fais en sorte que ce soit la faute de Haruka, j’ai tort?”

Je perdis la guerre mentale face au regard humiliant d’Ayano.

“N-non, c’est pas ….”

“Si, c’est exactement ça. Quand tu vois Haruka, il faut que tu lui parles sincèrement. Et d’ailleurs….”

Comme si elle venait de se souvenir de quelque chose, Ayano s’interrompit, avant de faire un visage triste.

Elle prit une rapide et petite inspiration avant de dire la suite.

“…. Même si tu as envie de dire quelque chose, parfois, tu n’en auras pas l’occasion. Mais à l’heure où je te parle, tu peux tout à fait saisir cette chance, afin que tu exprimes tes véritables sentiments. Alors, prends ton courage à deux mains et vas-y.”

Après avoir dit ça, l’expression bienveillante si habituelle d’Ayano refit surface sur son visage.

“Ayano ….”

“Eh puis, au pire, s’il n’est pas intéressé, je serai là pour te remonter le moral! Bon, je vais y aller.”

J’étais tombée dans la déprime, mais là, je sentis mon visage brûler après avoir écouté Ayano, et ces émotions tristes furent complètement anéanties.

Je me sentais beaucoup trop embarrassée et désorientée pour lui répondre, et Ayano s’était déjà dirigée vers le buffet à chaussures.

“E-Euh …… ah …. E-Elle m’a vraiment dit ….”

Ayano disparût sous mes yeux. Mes épaules lourdes, je marchai une nouvelle fois vers la Salle Préparatoire de Science.

…. Mes ‘véritables sentiments’, hein…

J’avais tellement l’habitude de me mentir à moi-même à ce propos, que je n’étais plus très sûre de ce qu’ils étaient, au final.

C’était trop difficile. Je savais pas ce que je voulais faire, moi.

Si on pouvait juste continuer à passer du temps, tous les deux, dans la même classe, comme on l’a toujours fait, ça m’allait.

Alors si ça m’allait, alors ne pas dire de trucs qui pouvait compliquer les choses, et donc laisser les choses comme elles étaient, serait la bonne chose à faire, dans ce cas ?

——Ce genre de conflit intérieur s’est d’un coup déclaré dans mon coeur.

Oui, c’était quelque chose qui était, et qui avait toujours été pareil.

J’avais continué comme ça, sans rien dire, et j’étais restée avec lui de cette façon, même encore maintenant.

Mais, est-ce que ça m’allait vraiment….?

Tandis que cette pensée traversa mon esprit, je vis la porte de la salle de classe.

Oui, lorsque j’ouvrais, tous les jours, cette porte, il s’agissait encore du commencement d’une journée de torture.

Prenant une grande inspiration, j’ouvris la porte.

“Bonjour, Takane.”

A l’instant où je clignai des yeux …. J’avais eu l’impression qu’il me parlait, mais dans la salle de classe où il n’y avait personne, ne s’y trouvait qu’un jeu à moitié-fini et une montagne de livres et de cahiers empilés sur les bureaux.

Mon coeur battait la chamade.

C’était probabalement ce que j’avais cherché pendant tout ce temps.

Je me retournai pour sortir dans le couloir une dernère fois.

J’ai enfin compris ….!

Ce que j’avais toujours voulu dire, je l’avais enfin trouvé.

Là, je peux le dire maintenant.

Oui, là, je peux certainement ….!

Avec des sentiments qui s’échappaient et débordaient de mon torse, je frappai le sol de mes pieds pour aller le plus rapidmeent possible là où il était——

…. Enfin, c’est comment ça aurait dû se passer.

Soudain, les murs du couloir commencèrent à se distordre et mon visage atterit au sol alors que je ne m’y attendais absolument pas, et au pire moment.

Comme s’il avait été frappé, mon corps s’effondra sur le sol.

“Ah …… ha …… a— …. !!”

Je n’arrivais plus à respirer.

Je ne pouvais plus bouger, même pas le bout de mes doigts.

…. Pou—Pourquoi maintenant ….!

La peur que j’avais jusque-là oubliée envahit alors mes pensées.

Et au même moment, ma conscience se faisait prendre le dessus par un énorme vertige.

…. Non. …… Non!

Avec aucun moyen pour résister, et ma conscience qui peu à peu s’évadait, j’ai pu observer avec mes yeux, l’ombre d’une personne qui se tenait au bout du couloir.

——Pourquoi cette personne était-elle là?

Elle n’aurait pas dû être ici.

Sans pouvoir vérifier son identité, le temps qui m’était compté allait bientôt se terminer.

Tout à coup, je me souvins des mots d’Ayano, “Même si tu as envie de dire quelque chose, parfois, tu n’en auras pas l’occasion.”

J’étais vraiment une idiote. J’avais vraiment pris beaucoup trop de temps, surtout pour dire quelque chose d’aussi simple.

Alors que ma conscience s’estompait de plus en plus, je continuai, jusqu’à la fin, à prononcer ces mots.

“——Haruka, je t’aime.”

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