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Sommaire du volume 1

 

Kisaragi Attention (partie 1)

"Bonjour Momo. Aujourd’hui encore tu es ravissante !!" "Oui euh… merci" Je m’inclinai légèrement et m’en allai aussi vite que possible. En comptant celle-là, c’était la trente-septième fois que je le faisais… Si j'empruntais le même chemin que les autres élèves afin de me rendre à l’école, je gagnerai sûrement du temps, mais faire un détour en prenant cette route me permettait de passer par la rue commerçante où il n’y avait pratiquement personne le matin étant donné qu’aucun magasin n’était ouvert et par conséquent il n'y avait aucun acheteur non plus. Cependant la galerie se remplissait petite à petit d’âmes dont le regard semblait inévitablement dévier vers moi. Au loin j’aperçus plusieurs personnes se regroupant autour des divers commerces, une fois arrivée à leur niveau, chacun d’eux engageait une conversation mais dans la cohue générale je ne répondis qu’à peux de leur sollicitation. "Ah Momo, tu dois être en route pour l’école, ça doit être dur de devoir étudier même durant les vacances d’été." "Euh… Oui, c’est assez compliqué, haha..." La trente-huitième fois. Après avoir maladroitement salué le marchand de légumes qui est apparu de nul part, je me retournai et constatai que la rue avait commencé à se remplir de monde. "…Aïe." L’espace d’un instant, je fus confuse, mais il n’y avait pas de temps à perdre, je tournai à droite à l’angle de la pharmacie aussi vite que mes jambes me le permettaient avant de m’enfoncer dans une ruelle étroite.

À la moitié de ma course, je jetai un rapide coup d’œil à ma montre. Cependant, j’étais assez chanceuse aujourd’hui. Si cette journée avait été mauvaise, à cette heure je serais déjà en train de courir vers ma maison. Il est possible que je ne sois même pas capable d’atteindre les portes de l’école avant que ces dernières ne se ferment.

Mon rythme augmenta spontanément, et lorsque j’atteignis la fin de la jonction en T, je virai à gauche et là je me rendis compte de la naïveté de mes idées.

À l’arrêt de bus en face de moi, peut-être par ce que le bus avait du retard, mais il y avait une foule de gens, beaucoup trop pour qu’ils puissent tous rentrer dans le prochain bus. Un homme se trouvant dans la foule me remarqua et dès qu’il éleva sa voix, les yeux de toutes les personnes aux alentours se détournèrent vers moi.

Pas bon, c’est vraiment très pas bon. Grimaçant devant les acclamations de la foule d’inconnus, je regardai l’horloge se situant au-dessus de l’arrêt de bus et pâlis. La batterie de ma montre était sûrement à plat, mais j’ai vraiment eu l’impression que le temps ne s’était absolument pas écoulé. Un "bouahhhhh" m’échappa mais il fut étouffé par le chant des cigales.

"Raaah…… ! Je le savais !"

Les portes de l’école étaient tellement serrées que même un fantôme ne pourrait pas passer entre elles. Enfin s’il y avait suffisamment d’espace pour se faufiler, les portes perdrait toute leur utilité, donc je peux dire qu’elles mènent à bien leur rôle principal.

14 Août ; 9 : 10 AM

J’ai fait tout mon possible pour être à l’heure mais j'étais en retard pour la première séance des cours supplémentaires. Même lorsque j’essayais d’éviter les personnes qui demandaient mon autographe à l’arrêt de bus, il était déjà trop tard, j’ai pris un risque en empruntant le chemin le plus court et ma chance a tourné. Même si les gens exagéraient énormément, l’une de mes chansons qui idéalise trop la romance était en train de passer. Un poster était suspendu du haut d’un immeuble affichant le visuel de ma nouvelle chanson et c’était d’ailleurs de là que provenait le son. Surplombant le tout, un moniteur se dressait dans toute sa majesté et diffusait un clip où l’on pouvait me voir dans une robe pendant que je dansais tout en criant "mort par fioritures". Et en dessous de cette imposante installation se trouvait un magasin de musique qui vendait mon nouveau CD, et une longue file de personnes attendaient patiemment de pouvoir se procurer l’édition limitée (le poster).

"Si je n'étais pas passée par là à ce moment, qui sait ce qui te serait arrivé maintenant." Garée proche de l’école, la voiture de ma manageuse ressemblait au paradis avec sa climatisation. Assise à côté de moi sur le siège du conducteur, une jeune femme se trouvait là, ayant l’air de revenir de son travail alors qu’il n’était pas même midi. Avachie sur le volant de son véhicule elle soupira. "Dé-désolée, en fait aujourd’hui le bus qui était censé amener les élèves à l’école a été annulé donc…" J’ai essayé de faire passer cette information de la manière la plus subtile qui soit mais un long soupir me fit comprendre que j’avais lamentablement échoué. "Ce n’est pas comme si je ne comprenais pas tes émotions… Je sais que tu n’aimes pas te faire remarquer en allant à l’école en voiture. "Heu... Oui." "Je veux respecter ton choix aussi longtemps que possible, mais je devais avoir cette conversation avec toi tôt ou tard.” Puisqu'elle avait commencé à parler en s'excusant, j'ai commencé à penser que je devais moi aussi m'excuser.

Quelques secondes d’un silence assourdissant passèrent avant que je ne vis ma montre et que j'eus réalisé qu’il était bientôt l’heure pour le début du second cours.

"Ahh ! je dois y aller… Je vous contacterai bientôt. Je dois renter dans l’école maintenant, sinon je raterai un cours de plus." Je descendis de la voiture en trombe et fis le tour et m’inclinai légèrement en avant. Je vis alors ma manageuse me faisant un geste de la main avec un sourire voulant dire "cette fille…"

Quand la voiture éteignit ses phares et démarra, je m’abaissai une nouvelle fois. Je me dirigeai vers l’entrée du personnel, passant devant les portes fermées de l’accès principal. À cause du changement soudain de température – de la voiture glacée à l’extérieur brûlant – je sentis des gouttes de sueur perler sur mon front. Le dos de mon uniforme collait déjà à ma peau suite à la course de ce matin. Même si je suis une adolescente de seize ans, je transpirerai quand même avec une chaleur pareille. C'est le pire. Je veux juste rentrer chez moi et prendre une douche… Dès que j’atteignis la porte, la cloche se mit à sonner.

Mince, il ne me restait que dix minutes avant la reprise des cours. Pressant un peu plus le pas, j’arrivai finalement à l’entrée du personnel et appuyai sur un petit bouton d’interphone. Quelques secondes plus tard, un petit haut-parleur commença à sonner. Les bavardages typiques des écoles radiodiffusés par ce si petit moniteur me donnaient l'impression de me trouver dans une autre dimension. Le fait même de penser que j'allais rentrer dans ce bâtiment dans quelques minutes faisait rejaillir un immense désespoir du plus profond de mon coeur. "Comment puis-je vous aider ?" "Ah, bonjour ! Euh... Je suis Kisaragi, en seconde… J’étais en retard pour mes cours supplémentaires donc je me demandais si vous pouviez m’ouvrir la porte." Je me demande combien de fois j’ai dû entendre la voix de cet employé. Cela faisait seulement quatre mois que j’avais commencé à prendre des cours ici, mais la personne avec qui j’avais le plus parlé est indéniablement celle-ci. En fait les conversations par interphone devaient représenter 90 % de toutes mes conversations si ce n’est plus, c'est assez déprimant. "Ah Kisaragi, bien je t’ouvre la porte tout de suite, entre…" Le fait est que je n’ai même plus besoin de m’excuser tant cela devient une habitude. "Euh… merci et désolé du dérangement." Dans un cliquetis, la porte s’ouvrit, j’entrai et lentement derrière moi jusqu’au moment où elle retourna à sa place initiale dans un autre cliquetis qui me fit sursauter cette fois.

Contrairement à l’extérieur, une sensation de fraîcheur flottait dans l’air des locaux. Bien que l’on soit en pleines vacances d’été, l’école était ouverte pour ceux ayant des activités de club ou des cours supplémmentaires. Je n’ai intégré cette école que le printemps dernier. Il y a deux ans de cela, l’école de quatre étages fut réaménagée dans un style occidental, un bâtiment inutilement à la mode. Le résultat final ressemblait plus à un lycée pour filles dans les mangas shojo. Une cloche beaucoup trop belle sonnait de temps à autre, il y avait aussi des fontaines, des statues dénudées et quelques ruisseaux disséminés ci et là. Il y avait aussi des fleurs dont j’ignorais jusqu’à même le nom qui formait une arche, s’entourant du doux bruissement. Je ne sais pas si l’idée de base était de créer un endroit aussi inapproprié au beau milieu des immeubles dans une ville, mais même si je pensais que ce genre d’endroit n’engendrerait que le chaos, étonnamment (ou pas), l’établissement devint très populaire auprès des filles et fut même considéré comme une fierté par la préfecture. Malgré le fait que j’ai choisi de rentrer ici pour une raison aussi stupide que "c’est proche de chez moi", je pense qu’il s’agissait d’un miracle que quelqu’un d’aussi peu doué que moi en ce qui concerne les examens académiques puisse être accepté dans un tel établissement. Puisque j’ai raté un nombre incroyablement élevé d’heures de cours, j'ai dû abandonner l’idée de vacances d’été afin de rattraper mon retard. En fait, que j’avais raté des cours ou pas n'avait pas de réelle importance, j’aurais été contrainte de faire ces cours dans tous les cas vu mes notes. C’est l’une des seules choses dont je suis pratiquement sûre. Et il n’y avait plus de temps à perdre. Je courus aussi vite que possible, pris les escaliers, ouvris la porte en verre, reçus la bénédiction de l’air conditionné. Et ce n’est qu’une fois que je sentis le souffle glacé de la climatisation que je me rendis compte à quel point j’étais en sueur. Une fois proche du casier à chaussures, je sortis les miennes de mon sac et changeai avec celles à mes pieds aussi vite que je le pouvais. "Mince, il n’y a presque plus de te… Haah !" Au moment où je pliais le sac qui avait auparavant contenu mes chaussures, je sentis quelque chose de dur me frapper sur la tête. Je levai les yeux surprise par le choc, et aperçus un grand homme en blouse blanche, un cahier de notes entre les mains. “Ahh… Euh… Bonjour ?" "Oh ! Maintenant ? On peut encore appeler ça le jour?" "Je pense que non…"   Mince, J'avais complètement oublié que l'enseignant de la classe d'accueil était responsable du premier cours de la classe supplémentaire. J’aurais pu tromper n’importe quel autre professeur, mais lui non. "Bien, je ne te demanderais pas pourquoi tu est en retard, mais regarde plutôt ça." "Euh qu’est ce que c’…. Ehh ?!"

Il sortit une feuille de son cahier, et, dès que je la vis, je devins plus blanche qu’un linge.

"Sais-tu de quoi il s'agit ? C’est une question assez simple pour commencer, tu ne trouves pas ?" "C’est l’examen de biologie, celui que j’ai passé la semaine dernière n’est-ce pas ?" "Au moins, tu sais ça, maintenant peux-tu me dire quel chiffre est inscrit juste à coté ?" "…Euh, je ne sais pas vraiment… Aïe !!" Je reçus un autre coup sur la tête. Le fait qu'il avait effectué cette action sans manifester la moindre émotion me rendait incapable de lui faire confiance. Il était imprévisible. "Tu sais, le fait que tu n'ais pas employé de termes scientifiques n'est pas un problème, pas pour l'instant en tout cas. Mais n'obtenir que deux points sur cent à cet examen après deux semaines de cours, tu te fiches de moi ?! Cela signifie que je vais devoir t'enseigner pendant cent semaines avant que tu n'obtiennes le score parfait ?" La vue du résultat après tant d'efforts était pour moi un spectacle horrifique. Malgré le fait que j'ai répondu à toutes les questions, il y avait une croix rouge à coté de chacune de mes réponses, exepté pour une réponse. Cette scène impensable mais pourtant bien réelle me donnait presque le vertige. "Mais... Mais, j'ai étudié..." "Quoi !? Tu as étudié pour ça !? Sous 'donner le nom d'un animal qui peut être considéré comme un mamifère', tu as écrit "crabe" et "carpe koi". Comment peux-tu affirmer avoir étudié pour ça ?!" "Mais, c'est parce que ma mère est originaire d'Okkaido, mais à la base, je voulais écrire "ours" et "cerf" mais..." "C'est ça ! Ces deux-là étaient justes !... Mais pourquoi montrer ta fierté pour tes origines maintenant ? Et puis, pourquoi avoir donné le nom de deux annimaux alors que la question n'en demandait qu'un seul ?" "Hein ?! Mais ce n'est pas triste de laisser un animal seul ?!" "Pourquoi user d'une telle logique pendant un examen ?! Et puis, si tu laisses un ours et un cerf seuls, le cerf se fera manger non ?!" "M-Manger ??!!" Après avoir subi le courroux de ses commentaires, je jetai un œil à ma copie. Mais, même moi je ne sais pas ce qu'il s'est passé, obtenir une note aussi basse après tant d'efforts, c'est trop cruel. Qu'est-ce que ma mère dirait en voyant ça... je préfère ne pas y penser.

---Ca a toujours été comme ça.

Bizzarement, quoi que je fasse, j'ai toujours attiré les "yeux" des personnes autour de moi.

Durant mes dernières années à l'école primaire, l'un de mes dessins avait juste capté l'attention d'un auteur de renom. Ce petit graboulli enfantin devint la couverture de l'un de ses romans, et cerise sur le gâteau, l'œuvre fut un grand succès.

Au collège, je rejoignis le club d'art. Mes travaux dépassèrent totalement ceux du président du club ainsi que ceux de tous les autres membres et, rapidement, devint le premier du pays. Je pouvais sentir les yeux des gens se "rassembler" de plus en plus autour de moi.

Arrivée au brevet, je ne voulais plus être dans ce club et je décidai donc de le quitter et ainsi passer mon temps libre à déambuler dans la ville. C'était à ce moment où le nombre d'agences qui me solicitaient augmenta. Au début, je refusais, mais lorsque l'agence pour laquelle je travaille actuellement me contacta, ma mère n'arrivait plus a subvenir à tous nos besoins, je décidai donc d'accepter l'offre afin d'apporter ma contribution financière à ma famille.

Cela dit, je n'ai jamais été fan de télé ou de musique. Mais même une personne comme moi ne pouvait pas résister à la tentation de se tenir sur scène et de chanter tel une idole.

Mon premier travail en tant que nouvelle idole fut de parler au début des spectacles afin de présenter mes camarades plus experimentées. Même maintenant, je ne suis pas habituée à parler devant un public, mais lorsque je fus nommée pour réaliser cette tâche, je me suis dit : "Pour le bien de ma famille, je ne peux absolument pas échouer." Il n'y avait pas d'autre solution.

Pour être hônnete, j'étais tellement nerveuse que je ne me souviens même pas de ce que j'ai dit, mais, c'était un succès d'une certaine manière. On peut même dire que le résultat était "le meilleur que l'on pouvait imaginer". La salle n'avait jamais été aussi animée avant, et je fis l'objet d'articles dans plusieurs magazines, revues sportives, journaux et j'en passe plus d'un. Mais un problème demeurait : tout le monde ne parlait que de moi et non de mes aînées qui devaient être les véritables stars.

Tout ce que je fis fut de me tenir sur scène et de parler, mais cette "nouvelle idole sans nom" qui ni ne chantait ni ne dansait fut énormement apreciée par l'audience. Bien que l'agence s'en était réjouie, les jours qui suivirent, leurs téléphones n'arrétèrent pas de sonner si bien que l'on ne pouvait même pas souffler entre deux appels. C'était, sans aucun doute, étrange... Transcendant la logique et le bon sens, les "yeux" des gens étaient inévitablement braqués vers moi sans raison, sens ou justifications apparentes.

À ce moment-là, je réalisai encore une fois que je n'étais pas "normale".

"Eh~ohh ! J'ai dit 'est-ce que tu m'entends ?'" "Euh...Ah ! Oui !" "Non, je suis presque sûr que tu n'écoutais rien à l'instant. Tu te sens mal à cause de la chaleur estivale ?" "Non c'est juste que cet examen comptait beaucoup pour moi... Haha..." "Comptait beaucoup pour toi? Hum... quoi qu'il en soit, tu repasseras cet examen la semaine prochaine, fais de ton mieux." Il me regarda avec des yeux débordants de pitié comme si j'étais une enfant triste. "La semaine prochaine... ?!" Un long soupir coupa ma phrase en deux "Je donnerai tout ce que j'ai." J'avais prévu de faire de mon mieux, encore une fois. Mais je me demande comment je pourrais faire d'ici-là.

"Bien, prends-le à la légère, je suis sûr que tu n'es toujours pas habituée à ton nouvel établissement, et puis, tu n'es pas censée avoir un concert la semaine prochaine ?" "Ah...! Oui... c'est vrai..." Il avait clairement l'air déprimé mais faisait de son mieux pour ne rien laisser paraître. Il laissa échapper un soupir, et, cette fois, le regard qu'il posa sur moi était chargé de gentillesse. "Bref, ne force pas trop... Et tu dois partir maintenant, tu n'avais pas un tournage pour une série télé ou quelque chose comme ça ?" "Oui... Attendez... Les cours vont bientôt commencer ! J'ai encore un peu de temps." "C'est écrit sur le programme, depuis l'Obon, les secondes ont cours uniquement le matin à la première heure, pourquoi tu ne regarderais pas le programme pour une fois ?" Observant l'emploi du temps qu'il sortit, il n'y avait vraiment qu'un seul cours aujourd'hui. Ne me dites pas qu'il s'est rendu compte que je venais aux cours supplémentaires sans même voir le programme... "Euh... Dans ce cas, à dans trois jours !" "Oui, ça serait mauvais si tu ne te reposais pas durant l'Obon, bref, je rentre chez moi, alors sois prudente sur le chemin du retour." "Je ferai attention ! J'y vais." Je me baissai légèrement en guise de salut et enfonçai mon contrôle aussi profondément que possible dans mon sac, je remis mes chaussures d'extérieur et quittai l'établissement. Lorsque j'ouvris la porte, je fus acceuillie par l'insupportable chant des cigales. J'étais encore une fois la proie des rayons de soleil qui avaient gagné en intensité entre-temps. L'idée même de marcher jusqu'à chez moi me faisait soupirer.

"Je vais juste prendre quelque chose à boire."

Il y avait un distributeur proche de l'école. Étant donné que j'étais assoiffée, je ne pouvais pas rester là à ne rien faire. Je marchai le long du chemin coloré vers le distibuteur avec le gravier qui craquait sous mes pieds.

Près de la machine se trouvait un siège suspendu fait de lierre et de branches d'arbre que l'on voit parfois dans les parcs, créant un espace suffisament grand pour se reposer. Plusieurs écolières gracieuses parlaient aimablement autour d'une des tables blanches dispersées un peu partout autour dans la zone. Elles étaient probablement venues en groupe pour faire un match d'entraînement ou simplement pour faire du tourisme. Le terrain, qui était jusque-là fait de gravier, finit par devenir de la terre, et, dès que je posai un pied dans la zone ombragée, toutes les filles se tournèrent vers moi. "...!!" Je m'arrêtai nette, mais leurs regards ne portaient pas la moindre once d'hostilité ou d'intérêt excessif. Je pensais qu'elles m'avaient souri ; mais elles s'étaient toutes retournées et commencèrent à marmonner ainsi que de parler entre leurs dents. Lorsque j'essayais de leur rendre leurs sourires, elles ne faisaient déjà plus attention à moi. J'étais tellement embarrassée que je pouvais sentir des gouttes de sueur perler et couler le long de mon corps.

Laissant échapper un interminable soupir, je me dirigeai vers le distributeur. Les étiquettes, plus colorées les unes que les autres, donnaient toutes envie d'acheter leurs boissons, mais il n'y avait aucun doute sur laquelle de ses bouteilles allait me rendre mon humeur habituelle. Parmi toutes les bouteilles présentées, il y en avait une d'une forme plutôt particulière. J'avais gardé l'œil ouvert pour le soda noir. Je sortis mon porte monnaie en forme de cochon que j'avais chéri durant de longues années. Dans un claquement, je l'ouvris et découvris juste assez d'argent pour m'acheter ma boisson. Ma main pénétra dans mon porte monnaie et en sortit les pièces une à une que je plaçai dans la fente prévue à cet effet. Après avoir inséré le montant exact, toutes les lumières s'allumèrent en rouge, comme des feux de signalisation. Je visai l'un des boutons et approchai mon doigt de lui lentement, comme lors d'une scène d'un film étranger que je vis étant enfant où l'humanité prenait contact avec des aliens inconnus. Un bip m'avertit lorsque mon doigt atteignit sa cible, et, en un rien de temps, ma boisson apparut en bas du distributeur. Je fus soudainement prise d'une folle envie de placer mon bras sur ma hanche et de vider la bouteille d'un coup, mais étant une jeune fille de seize ans, je décidai de d'abord m'asseoir et de prendre le temps d'apprécier mon breuvage. Même lorsque je secouais la boisson énergétique, le proverbe "À Rome faites comme les Romains font" s'appliquait dans ce cas. Je m'assis à l'une des tables proches du distributeur et ouvris la bouteille de la boisson que je convoitais tant. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours été catégorique sur mon coté pince-sans-rire ainsi que sur mon manque d'émotivité, mais comme je le prévoyais, il n'y avait rien que je puisse faire pour l'instant. La bouteille s'ouvrit dans un "pchit" et l'arôme unique et sucrée s'éleva jusqu'à mes narines. Si je me regardais dans un miroir à ce moment, je serais sûrement en train de faire une tête qui n'allait pas vraiment avec les standards de mon agence, le genre de tête que le public ne serait jamais autorisé à voir. Je versais alors dans ma gorge le nectar dont je mourrais d'envie. Ah... Les personnes qui ont créé cette boisson devaient détester l'été. Ce n'était même plus une boisson. C'était le seul moyen qu'avaient les humains de lutter contre la force de la nature que l'on appelait la chaleur. Je sentais les larmes monter, j'avais fini ma première impression de cette boisson. Je me demandais à quel point ce serait rafraichissant si je claquais la bouteille sur la table, si je frappais mes lèvres, et laissais s'échaper un "Ah...!" mais je dus me contenir. Pour une personne passant par là, je ne serrais qu'une pure et innocente jeune fille qui buvait sa boisson et remettait le bouchon dessus. Cependant, je débordais d'un sentiment de satisfaction, comme un vieil homme qui engloutirait une bouteille de lait à la fraise après être sorti d'un sauna et qui aurait envie de crier "C'était mortel!!" Une fois que je finis de me rafraîchir, j'eus l'agréable impression que la chaleur avait baissé, probablement grce à la longue pause que j'ai pris, et à l'ombre aussi. Je commençai à penser à mon programme pour aujourd'hui. "J'ai du temps à perdre hein...?" Lorsque je vis ma montre, elle affichait toujours 8 heures et quart, je fus surprise l'espace d'un instant, mais à ce moment-là, je me rappelai qu'elle avait cessé de fonctionner ce matin. C'était ma montre préférée, celle que ma mère m'avait offerte pour mon anniversaire. Sa vie fut courte. J'ai n'ai pourtant pas le moindre souvenir de l'avoir malmenée, ça ne devait être que la batterie qui était à plat. Une fois chez moi, je demanderai à mon idiot de frère d'y jeter un œil. Je sortis mon télephone avec sa maginfique coque rose. Même si j'en avais un, je ne m'en servais que pour ce qui avait un rapport avec mon travail. Si je l'utilisais pour parler de ma série télévisée préférée ou d'amour avec une amie très proche chaque nuit, je serais peut-être plus douée avec ce genre d'appareil. Mais en ce qui concerne les séries télé, je ne regarde vraiment que les séries historiques, et je n'ai pas d'amie avec qui parler de ça, laissons l'amour tranquille pour l'instant. Même si je pouvais plus ou moins comprendre les raisons de cela, je ne trouvais pas que c'était une si mauvaise chose. C'est juste qu'à chaque fois que j'avais ce genre d'appareil entre les mains, je me retrouvais frappée par un énorme sentiment de vacuité. C'est pour cette raison que je n'appréciais pas ces engins. "9 heures et demie hein ? Le tournage ne commence qu'à 14 heures, donc, je dois être à la maison à 13 heures..." Je fis glisser mon pouce sur l'écran et fis apparaître d'un coup mon emploi du temps de travail. Pour le 14 Août j'avait un tournage à 14 heures, une performance en live pour l'émission d'une chaîne de radio à 18 heures et enfin, les répétitions pour mon prochain concert. Aujourd'hui, ma manager était censée me récupérer chez moi à 13 heures. Même si je m'y suis un peu habituée, mon emploi du temps plus que chargé me déprimait plus que tout au monde. Suite à mon dernier concert, tout le monde ne parlait que de moi, sans parler de l'avalanche d'offres d'emploi qui ont bouleversé mon mode de vie. On dirait que le concert de la semaine prochaine qui est organisé à l'occasion de la sortie de mon nouvel album va être un spectacle où je serai seule sur scène, bien qu'il soit organisé bien trop tôt après la date de sortie.

Bon, je suis plutôt contente de ça, même si je n'ai que des mauvais souvenirs de cette chanson. Tout ça parce que le jour de l'enregistrement, je me suis faite réprimander par ma manager à cause d'un rhume et que je ne pouvais chanter que par le nez. Cependant, le producteur a été très satisfait car, je cite "Cela représente bien le dilemme d'une fille qui éprouve un amour non réciproque" et c'était ainsi que la chanson a été publiée. À ce moment, je croyais que c'était dû à ma fièvre, mais très vite, ma chanson nasale envahit les rues de la ville, et la taille de mes repas fut divisée par deux. Pour le moment, les choses vont bien du moment que je suis en vacances, mais les choses allaient se compliquer dès que les cours allaient reprendre. Rien que le fait de penser à ça me déprimait encore plus. Alors que je poussais un long soupir, je sentais mon énergie quitter mon corps en même temps que l'air qui sortait par ma bouche. L'étouffante chaleur n'était pas là pour arranger les choses non plus. J'avais fait énormement de va-et-vient entre l'extérieur et l'intérieur, et je pouvais à nouveau sentir la transpiration perler sur mon front. "Je pense que je devrais rentrer à la maison." Il n'y avait rien d'autre à faire ici. Je remis mon téléphone dans ma poche avant de me lever de mon siège. Je pouvais sentir une légère sensation de fraîcheur alors que je décollais ma jambe de la chaise et essayai de regarder aussi loin que possible. De l'autre côté de l'école, on pouvait entendre plusieurs voix qui résonnaient. Ces voix, qui pouvaient certainement être qualifiées de "jeunes", semblaient très distantes de moi, et, pour quelques raisons qui m'échappent, me donnaient l'impression d'être mise à l'écart. Alors que je commençais à marcher en soupirant pour la énième fois aujourd'hui, mon regard fut attiré par un prospectus qui était posé sur la table à laquelle les filles étaient assises juste avant. Apparemment, le bout de papier en question provenait du nouveau magasin de bibelots en face de la station de train avec des personnages encombrés par des lettres rondes et colorées. L'énorme "13 et 14 Août" qui avait l'air de me sauter à la figure m'indiquait que l'événement avait eu lieu hier et qu'il se prolongeait jusqu'à aujourd'hui. Après avoir vérifié que personne ne se trouvait dans les alentours, je m'emparai du prospectus. À ce moment-là, je ne pouvais pas en croire mes yeux.

"...!!!"

En toute honnêteté, ce magasin de bibelots me m'intéressait pas plus que ça, mais cette mignonne petite sangle à tranche de saumon qui ne devait être là juste pour remplir un vide attira mon attention à un point inimaginable. Puisque l'image était très petite, je ne pouvais en distinger que la forme globale, mais rien que la vue de la silhouette des jambes qui étaient à un endroit où elles ne devraient pas être, je pouvais affirmer que cette chose avait un incroyable talent. Je ravalai la salive qui coulait de ma bouche, et vérifiai anxieusement que personne ne m'avait vue. En regardant de plus près, on pouvait voir un "offre limitée'' écrit, même si on savait pas en quoi l'annonce consistait réellement.

Je me levai d'un coup et mis le flyer dans mon sac.

Avec ma main sur ma hanche, je finis d'un coup tout ce qui restait de ma boisson, et jetai son contenant dans la poubelle.

*

------Courir à ma vitesse maximale sous un soleil de plomb me rendait étourdie. Je m'enfouis dans une allée si étroite que je me crus dans un labyrinthe. L'air avait l'air d'être quelque peu plus frais, probablement à cause de l'ombre, mais il n'y avait pas assez de temps pour penser à cela.

Mon souffle était saccadé. Lorsque je mis mes deux mains sur un mur et y accolai mon front, de grosses gouttes de sueur tombèrent sur le sol laissant des éclaboussures par terre. Je jetai mon sac sur le sol et m'effondrai.

J'haletais bruyamment, allongeant de plus en plus mes intervalles de respiration. Ma tête commença petit à petit à se remémorer la conversation passée, et à ce moment-là, des larmes bordèrent mes yeux.

M'adossant au mur, je serrai mes genoux tout en étant recroquevillée sur moi-même. Je voulais pleurer aussi fort que possible, mais si jamais des gens m'entendaient, les choses ne feraient qu'empirer. Je plaquai mon sac sur mon visage et commençai à pleurer toutes les larmes de mon corps.

Pourquoi la situation a dégénéré comme ça ? Ça aurait été mieux si je ne possédais pas cette capacité. Je veux juste paler à des gens comme une personne normale, faire du shoping comme une personne normale, et vivre comme une personne normale. Mon existence n'a pas de sens, je veux juste disparaître. Ou plutôt, je veux vivre une vie où personne ne me trouvera, et puis mourir seule---!

*

Revenons un peu dans le temps. Après que j'ai quitté l'école, je me suis changée en ce que je pensais être des vêtements ordinaires dans les toilettes publiques du parc. Mais juste au moment où je mis un pied dehors, des dizaines de paires d'yeux se tournèrent vers moi.

"C'est pas bon" pensai-je, mais c'était déjà trop tard. C'était pendant les heures de pointe, et je n'avais pas pensé aux conséquences de sortir dans cette situation.

En un rien de temps, une foule se rassembla autour de moi et je ne pouvais même plus faire le moindre mouvement. Tout le monde sortit leurs téléphones et braqua leurs caméras vers moi. Une foule de gens se forma autour de moi, et le flash des appareils photos qui m'encerclaient complètement, à 360°, me donnait le vertige. Ai-je fait quelque chose de mal? En fait, c'était de ma faute de ne pas avoir pensé à quelque chose d'aussi évident.

Pourtant, je voulais juste avoir l'air d'une fille normale, juste un peu.

Les cris des uns et les murmures des autres étaient pour moi une cacophonie insupportable. Il y avait tellement de bruit que ça m'en donnait la nausée. Pile au moment où je me sentis m'effondrer au sol, la sirène d'une voiture de police recouvrit tous les autres sons. Le trottoir sur lequel je me trouvais était loin d'être petit, bien au contraire, mais apparemment, quelqu'un avait contacté la police à cause de la foule de gens qui bloquait le trafic routier. Cependant, les personnes ne bougèrent pas d'un pouce. À la place, la sirène ameutait encore plus de monde comme un panneau d'affichage.

Et la personne à l'origine de tout ça n'était autre que moi. Tous leurs "yeux" me fixaient.

Quelques officiers parvinrent à se frayer un chemin jusque chez moi au travers de la foule. L'un d'eux murmura quelque chose alors qu'il posait sa main sur mon épaule et je me jetai alors dans la petite ouverture dans la masse de gens.

J'essayai d'avancer droit mais j'avais l'impression de marcher dans un tunnel sans fin. Je sortis péniblement mon bras de la foule alors que j'étais toujours aveuglée, et, l'espace d'un instant, j'eus l'impression de me faire tirer par quelque chose ou par quelqu'un. La seule chose dont je me souviens après est que la rue se dégagea, et que je pouvais à nouveau voir.

Est-ce que quelqu'un m'avait sauvée ? Je n'ai pas eu le temps de le vérifier. Je commençai à courir et vis derrière moi un amas de personnes que l'on pouvait comparer à une immense créature qui me pourchassait. Même si il y avait moins de personnes à ma poursuite que lorsque j'avais couru dans l'allée, chacun d'entre eux couraient après moi en continuant de me braquer avec leurs téléphones. Je me perdis désespérément dans un quartier que je ne connaissais pas, m'enfonçant de plus en plus dans ce dédale à chacun de mes pas. J'étais tellement concentrée sur la route que je ne pouvais même plus différencier la haut du bas.

"Ah...!!"

L'étroit chemin se terminait par un cul de sac. Rapidement, je me retournai pour voir derrière moi, mais apparemment, faire demi-tour n'était pas une option.

--Ma poitrine était en feu. Je fis le vide dans mon esprit, me relevai, lorsque mon téléphone se mit soudainement à sonner. Je vis sur l'écran qu'il s'agissait de ma manager. Je décrochai nerveusement, et elle commença avec une légère pointe de colère dans sa voix. "Allô !? Où es-tu maintenant !!??" "J.. je ne sais pas... Euh... je..." "J'ai eu un appel de la police, l'agence l'a très mal pris ! Ah ! Pourquoi ce genre de choses doit-il arriver maintenant !!??" "Je... je suis désol-" "Est-ce que tu sais quel genre de personne tu es ?! Écoute !! Tu n'es pas "normale", alors tu comprends que ce genre de choses puisse t'arriver, n'est-ce pas ?!" "...pas...?" "Hein ?! Tu as dit quelque chose ? Si tu peux m'entendre, alors dis quelque chose !" "S-suis-je si anormale que ça ?! Même si je me déguise bien... Ils me regardent tous comme si... comme si j'étais une bête de foire...! J-j'en ai marre! Je ne peux même plus rentrer chez moi...! Merci de tout ce que vous avez fait jusqu'à aujourd'hui !!" "Euh...? Ah, atte-" L'ignorant totalement, je raccrochai. Je pus enfin être capable de calmer ma respiration, mais je n'avais toujours pas compris le sens de ce que je venais de dire. Au final, je pensais avoir dit quelque chose de plutôt sérieux, et je supposais que je devais comprendre que je venais de déranger un nombre incalculable de personnes. Cependant, les rappeler pour m'excuser était la seule chose que je ne pouvais pas forcer mon corps à faire.

Alors que j'entendis le chant insupportable des cigales, le bruit d'une voiture passant non loin de moi me parvint, je pouvais aussi sentir la légère vibration de l'air parcourir le mur sur lequel j'étais adossée. Je me demandai combien de temps s'était écoulé. Il n'y avait aucune trace des mes poursuivants aux alentours, incapable de faire le moindre mouvement, la seule chose qui passait était le temps.

Ont-ils déjà prévenu ma mère ? Elle m'a toujours soutenue, et personne n'était plus heureux lorsque les dates de sortie du CD ont été choisies. Au final, je n'ai pensé qu'à ma petite personne et ai abandonné tous ceux qui croyaient en moi. Alors qu'un immense sentiment d'inutilité s'empara de moi, je sentis les larmes monter et commencer à tomber une à une. Je pensais que cela serait une bonne chose si je me trouvais dans un autre endroit, le plus loin possible, mais je me rendis compte que peu importe l'endroit, je finirai toujours par attirer les regards des autres vers moi, une fois de plus je constatai que je n'étais pas "normale".

Soudainement, je fus frappée par un sentiment d'insécurité et d'anxiété. Je retirai le sac de devant mon visage, et mon coeur faillit sortir de ma poitrine à la vue de ce qui était devant moi.

"A...Ahhh!!"

Mon corps fut destabilisé par mes mouvements brusques, et je chutai inévitablement au sol. Une personne se tenait à la sortie de la ruelle, m'empêchant ainsi d'en sortir. Même si on était au beau milieu de l'été, cette personne était recouverte de la tête au pieds d'un sweat à manches longues, et ses longs cheveux oscillaient à partir d'une capuche qui recouvrait sa tête.

Ce qui me surprit le plus fut le fait qu'elle se tenait si près de moi que je pouvais la toucher rien qu'en tendant la main. Cette personne m'avait-elle suivie jusque-là en masquant le bruit de ses pas ? Si tel était le cas, j'étais sans aucun doute dans une très mauvaise situation. Prise de court, j'ouvris ma bouche, mais aucun mot n'en sortit. J'avais tellement mal aux genoux que je ne pouvais même pas me lever, et cela me plaçait dans une situation très dangereuse.

"A...Attends, je ne voulais pas te faire peur ou quoi que ce soit..." Une voix féminine bien qu'un peu rauque sortit de la capuche.

"...Hein ?" Accidentellement, je laissai échapper un son ridicule comme si mon cerveau produisait des bruits de manière totalement aléatoire. Quand j'essayai de voir le visage de mon interlocutrice, je remarquai des traits délicats et une peau très pâle. Je pensais qu'il s'agissait d'un homme vu sa manière de s'habiller, mais malgré sa tenue, elle demeurait très belle en comparaison avec les autres filles. Pendant que je me rasseyais plus décemment, elle s'abaissa à mon niveau et me murmura : "J'ai vu ça... ce qui c'est passé tout à l'heure, c'est ton pouvoir de captivation." "Q-qu'entends-tu par ''ça''...?" "Ce petit incident qui a eu lieu tout à l'heure, mais tu sais, je n'aurais jamais imaginé que ça attirerait autant l'attention des gens." Elle avait assisté au drame, ce qui signifie qu'elle m'avait suivie de là-bas jusqu'ici ? Si c'était vrai, elle faisait donc partie de la foule que j'ai attirée jusqu'ici ? Le sentiment de découragement que j'éprouvais jusque-là grandit un peu plus, amenant par la même occasion un soupçon de colère.

"J'ai... j'ai quitté mon job alors...! S-s'il te plait, ne me suis pas à partir d'aujourd'hui !! E-euh... je peux te donner un autographe, si c'est tout ce que tu veux..."

Je l'ai dit, je l'ai clairement dit n'est-ce pas ? Rien qu'en prononçant ces quelques mots, je suis sûre que cette très gentille personne comprendra. Maintenant, ça serait bien si tu lui donnais son autographe, qu'elle puisse partir heureuse et continuer son chemin...

J'ouvris timidement les yeux afin de voir sa réaction, et c'était comme si elle avait un "je n'ai pas la moindre idée de ce dont tu me parles" inscrit sur le visage. "Ah, en fait... Je ne te pourchassais pas et ton autographe m'importe peu... Attends, tu as quitté ton job...?" Sa réponse était à mille lieux de ce à quoi je m'attendais. Elle ne me pourchassait pas ? Si ce n'était pas une de mes fans, alors... Je me suis sentie de nouveau capable de reprendre mon calme, mais ce sentiment n'avait pas duré très longtemps. Si elle n'était pas l'une de mes fans, alors peut-être était-elle un kidnappeur ? Avait-t-elle prévu de réclamer une rançon contre ma libérté ?! Je ne peux même pas m'échapper, je suis vraiment coincée !! Elle sortit alors son téléphone dépourvu de coque et dit : "Il te reste un peu de temps avant ton rendez-vous, c'est une bonne chose que ce soit juste à côté." "Euh... Rendez-vous ?" "Oui, je suis presque sûre que c'est à treize heures... je me trompe ?" Je sortis également mon téléphone et découvris un nombre de messages et d'appels manqués incroyablement grand." Le rendez-vous... À 13 heures...

"Ah..." À ce moment-là, tout me parut clair comme de l'eau de roche.

Cette fille faisait partie de l'équipe de tournage de la série. C'était l'explication parfaite pour justifier que quelqu'un qui n'était pas l'un de mes fans me suive du lieu de l'incident jusqu'ici. En se basant sur le fait qu'elle savait que je devais rencontrer ma manager à une heure, ça ne pouvait être que ça. Ils ont sûrement entendu parler de l'incident et ont dû envoyer quelqu'un me chercher pour être certain que je serais là à temps pour le tournage. Cela n'empêche, je ne pouvais pas juste lui dire: "C'était ça, j'ai compris !" et la suivre au lieu de tournage. Je lui ai clairement dit juste avant "J'ai quitté mon job". Le fait qu'elle n'ait pas tenu compte de mes paroles et de me demander de la suivre était, d'une certaine manière, normal, mais une partie au fond de moi ne voulait pas faire comme elle me le disait. Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie de la rue, je la devançai avant de me retourner pour lui faire face et ainsi lui bloquer la passage. "Euh... J'ai déjà quitté mon job, et je ne compte pas le reprendre, du moins, pour l'instant, euh, tu me comprends...?" Cette fois, je lui ai dit calmement, plus clairement qu'avant, je suis sûre qu'elle a compris maintenant. "...Ah, on a déjà tout préparé pour toi, juste suis moi." Elle me fixa droit dans les yeux et prononça ces paroles avec une certaine gentillesse. Je pourrai certainement m'échapper quelque part maintenant, mais le fait de dire "on a déjà tout préparé pour toi" et la manière avec laquelle elle me regardait lorsqu'elle le dit me rendaient incapable de le faire.

Et puis, j'étais sûre que si je partais maintenant, ma manager viendrait. Je ne pouvais qu'être sûre et certaine qu'elle soit extrêmement furieuse. Je commençai à larmoyer lorsque je pensais à l'inévitable discussion que j'allais avoir sur le futur que je venais de gâcher.

Mais je dois le lui dire sans hésitation. Aujourd'hui, j'y mettrai un terme. Je leur ferai part de ce que j'ai sur le cœur, qu'ils s'énervent autant qu'ils le veulent, cela doit s'arrêter.

Encore une fois je m'y préparai, mais juste au moment au je rattrapai la membre de l'équipe de tournage, je me rendis compte que la partie de mon sac sur laquelle j'avais mis mon visage était mouillée. "Argh..." "Tu as dit quelque chose?" "Ah ! non non... ce n'est rien..." "Bref, tu devrais laver tes vêtements et ce sac plus tard." Mon visage devint brûlant et je pouvais jurer entendre de la vapeur sortir de mes oreilles. "Euh... d'accord..." Quelle personne attentive, ça doit lui être d'une grande utilité dans son travail. Avec tous les allers-retours que j'avais fait aujourd'hui, la seule chose que je désirais était de prendre une bonne douche, pensai-je alors que je suivais la fille à capuche. Après être sorties de la ruelle, on prit la première à droite puis on tourna à gauche deux carrefours plus tard avant de prendre la droite au prochain carrefour pour finalement virer à gauche à l'intersection. Durant les dix minutes du trajet, ma guide ne pronnonçait pas un mot. Je ne savais même pas qu'il y avait de tels lieux dans la ville, plus j'avançais, plus j'avais l'impression de m'aventurer dans une fôret sombre.

Je savais qu'aujourd'hui, j'allais jouer une scène où je devais me rendre chez "une amie qui n'était pas si aisée." En effet, les immeubles ainsi que les appartements n'étaient pas les meilleurs que l'on pouvait trouver. Je me demandais s'ils ont déjà fini les préparatifs pour le tournage, si c'était le cas, comment faire pour leur annoncer? J'avais la boule au ventre à cause du stress. "C'est juste ici." La fille à capuche s'arrêta subitement et changea de direction. Cependant, tout le chemin que nous avions parcouru jusqu'alors semblait beaucoup plus accueillant que l'étroite route peu éclairée que l'on s'apprêtait à emprunter. Il semblerait que sur ce passage, une seule personne puisse passer à la fois, et nous nous écraserions entre nous au milieu d'une clôture en bois et du mur d'un appartement fort complexe.

"C-c'est plutôt petit, tu ne trouves pas...?" Lui dis-je, mais elle continua d'avancer silencieusement sans me répondre. Je n'avais d'autre choix que de la suivre à contrecœur. Était-ce un raccourci pour le lieu de tournage ? J'avais vraiment l'impression de passer de surprise en surprise.

Marchant le long du couloir, je me sentais étrangement prise au piège. Que ferions-nous si nous nous retrouvions face à face avec un énorme insecte ? J'avançais doucement en posant mes pieds à l'endroit exact où les siens avaient été mis juste avant, soudain, je vis les deux chaussures de la fille à capuche s'aligner et ne plus avancer, puisqu'elle marchait devant moi tout ce temps, ce qui eut pour effet de me faire arrêter également.

"C'est ici."

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