Lost Days III
Ma chambre, qui se trouvait aussi au deuxième, était réchauffée par le soleil d’après-midi.
Après avoir été emmené dans la chambre d’amis qui était, comme m’a dit Ayano, “préparée à l’avance” pour moi, j’avais commencé à boire du thé, qui était assez doux. Des paquets de biscuits étaient parfaitement alignés sur le plateau qui avait aussi des boissons, et qui était placé juste au milieu de la table en bois. Les gâteaux, enveloppés individuellement, étaient de luxe, et donc assez coûteux.
Il y avait un principe que je respectais, ou du moins essayais de respecter, même si j’avais quoiqu’un peu tort, je ne voulais pas m’autoriser à manger sans faire attention, mais j’étais déjà en train d'engloutir plein d’en-cas. Même avec toute la détermination du monde, je ne pouvais pas m’empêcher de m’empiffrer de biscuits. Si je ne commençais pas à parler, j’aurais déjà tout fini, alors je commençai naturellement à bavarder.
“Oh, j’ai vraiment eu une de ces peurs. Jamais je n’aurais imaginé que Monsieur Tateyama avait quatre enfants… Donc, le garçon qui a fermé la porte, euh, je peux l’appeler, ‘Shuuya’?”
“Oui…je pense. Ah… je ne sais pas comment me faire pardonner …” En s’asseyant en face de moi, Ayano se tenait la tête avec culpabilité.
Il est vrai que j’avais vraiment eu peur quand j’avais été enfermé tout à l’heure, mais je n’étais pas blessé, ni en colère après ça. En fait, est-ce que je m’étais déjà ‘énervé’, avant ? Hum, je ne crois pas.
“Hahaha,ne t’inquiète pas, tout va bien. En fait, j’avais l’impression de vivre à l’état sauvage…? Bref, c’était juste la première fois qu’on m’enfermait, alors c’était assez palpitant~ ”
“Hein ? L’état sauvage …? H-Haha…!”
Notre discussion formelle continua. Cela faisait trente minutes que j’avais quitté la bibliothèque. Ayano n’était plus en pyjama, elle s’était changée et portait à présent une robe blanche avec un cardigan couleur crème.
Ce n’était qu’à ce moment là que je remarquai qu’Ayano ne ressemblait pas vraiment à son père. Ses cheveux, ainsi que ses grands yeux noirs et son grand nez étaient probablement les mêmes que sa mère~ Je commençai à rêvasser, et j’étais convaincu d’avoir raison.
“Ah et euh, je suis vraiment désolé du dérangement. J’ai l’impression de m’imposer chez vous…mais c’est pour préparer le festival culturel de notre école, alors…”
“Oh, non, ne t’inquiète pas ! Mon père n’invite pas beaucoup d’élèves à lui chez nous, alors je suis assez contente que ça arrive. Notre famille est comment dire, assez bruyante, et…” Elle s’arrêta, puis les yeux d’Ayano commencèrent à s’égarer, et avec gêne, elle continua. “et…ça peut devenir assez dangereux. ”
C’est vrai que je n’étais pas très habitué à aller chez les autres, mais je ne m’étais pas attendu à entendre tout à coup quelque chose du genre “assez dangereux”. Par “dangereux”, elle faisait sûrement allusion aux blagues de ses petits frères. Hm, c’était sûrement du même genre que ce que je venais de subir dans la bibliothèque. Prenant compte de la situation actuelle, Ayano était un peu inquiète, mais ses petits frères devaient juste être ‘espiègles’ . Et vu que je n’avais ni frère ni sœur, j’étais un peu curieux à propos de ça.
“Um, est-ce que je peux leur dire bonjour? Je vais habiter ici pendant quelques jours, donc je pense que je devrais au moins me présenter…”
“Hein ? Présenter ? Non! En parlant de ça…”
Après ma question, Ayano m’avait parue complètement déconcertée. Peu importe comment je le voyais, Ayano n’avait pas l’air très ravie.
Moi qui pensais qu’il était normal de leur dire bonjour, on dirait qu’il y avait quelque chose que je ne devais pas savoir, elle ne semblait pas vouloir me laisser voir ses frères…Hmm~ ça me travaillait vraiment… Mais c’était une affaire de famille, donc je ne devrais pas trop poser de questions. Si je commençais à rendre les choses malaisantes dès mon premier jour, je décevrais Monsieur Tateyama qui m’avait si gentiment invité. Je changeai donc de sujet.
“Euh, ah, eh bien si ce n’est pas commode, alors ce n’est pas grave ! Ah, oui, c’est vrai, j’ai un cadeau pour vous ! C’est vraiment délicieux, tu devrais le goûter avec tes frères~”
J’ouvris ma valise, qui était sur le côté et dans un coin de la pièce, et j’y sortis le gâteau à la broche que j’avais acheté en route. J’en avais un peu mangé en chemin, et je l’avais trouvé incroyablement bon. Je pensais qu’Ayano l’apprécierait aussi.
“Hein ?! On dirait que ça vient de cette fameuse boutique…je ne sais pas comment l’accepter, je suis vraiment désolée de t’avoir dérangé !”
“Non non non, c’est moi qui devrais dire ça; ce n’est pas assez pour payer mon séjour. Veuillez l’accepter…” Je le lui donnai un peu trop vivement.
Ayano accepta le gâteau en s’excusant, et fit un petit “Ah!”.
“D’ailleurs. Vu qu’un cadeau en remerciement ne serait pas très approprié…Hum, as-tu mangé quelque chose cet après-midi? J’allais commencer à préparer le repas de ce midi, tu voudrais que je te prépare quelque chose ou ça te dérange… ?”
Maintenant qu’elle l’avait dit, il était vraiment midi. Un plat concocté par Ayano elle-même…ça me gênait un peu mais honnêtement, j’avais envie de lever haut la main et de crier “Oui s’il te plaît!” mais j’avais résisté à la tentation. Après tout, j’avais déjà eu du riz au curry en chemin. Et en plus, ça faisait à peine une heure depuis que j’avais mangé. C’était beaucoup trop tôt pour mon prochain repas. Je ne pouvais pas lui faire perdre encore du temps, alors j’avais retenu mes larmes, et j’avais, à mon grand malheur, décidé de refuser.
J’ouvris ma bouche, puis je dis “…en fait, j’ai déjà eu mon repas en chemin. Donc pas d’inquiétude—“
Et là, un gargouillement très gênant se fit entendre, comme s’il voulait me couper la parole. Ce son venait de mon estomac, et je laissai un “H-hein~?” sortir de ma bouche, en espérant couvrir le son qui venait de mon ventre, mais je fus trop lent.
Sans surprise, Ayano avait tout entendu. En fixant mon ventre, elle me dit “Tu n’as pas besoin de te retenir ! Pour être honnête, je ne pourrais jamais manger autant."
Ah…! Que c’était humiliant… Pourquoi mon ventre avait-t-il choisi de gargouiller juste après que je lui ai dit avoir “mangé en chemin”?
Est-ce que ça voulait dire que j’étais devenu une personne qui avait toujours faim, peu importe à quel point elle mangeait ?! Non, en vrai, j’avais quand même assez faim.
…Oui, j’avais même très faim. Ah, que faire... Vu comment les choses étaient tournées, autant prendre un repas maintenant.
Non! Non, non, non, pas question ! Peu importe ce qu’on disait, prendre autant de repas en si peu de temps devrait être interdit…
“A-alors je veux bien, merci…haha.”
Seulement aujourd’hui. Je ne me permettrais ça qu’aujourd’hui. Et puis, si je travaillais le ventre vide cet après-midi, je ne serais peut-être pas très productif.
Alors que j’essayai fermement de me convaincre de la justesse de mon choix, Ayano sembla amusée de la situation. Après avoir légèrement rigolé, elle dit alors “Bon, je vais en préparer un peu plus alors.”
Ayano était vraiment une gentille fille. Moi, en comparaison, je me sentais vraiment sans principes…
Vu que je me sentais très embarrassé, tout ce que je pouvais faire était de baisser ma tête rouge de honte et de répondre d’un simple “Merci”.
“Alors je vais aller préparer le repas…mais avant il faudrait que j’explique certaines choses …” dit Ayano en allant à un coin de la pièce. Là-bas s’y trouvait une table mais aussi un vieil ordinateur, accompagné d’un scanneur mais aussi de plein d’autres choses, comme d’une planche à dessin. “Je pense que tout est bien installé. Ah, désolé, c’est mon père qui a tout préparé, je ne m’y connais pas trop et je ne sais pas comment ça marche…Tu sais comment t’en servir ?”
Le matériel ne semblait pas trop difficile d’utilisation, en tout cas, à première vue. Rah, même si je n’en avais aucune idée, au moins j’avais mon téléphone. Je devrais pouvoir trouver en cherchant sur Internet.
“Mm, aucun problème. Je vais me débrouiller. ”Après avoir dit ça, Ayano fit un mouvement de tête rassuré et se leva, gâteau à la main.
“Bon, eh bien je t’emmènerai ton repas dès que j’aurai fini. Ah, et d’ailleurs. Il y a autre chose que je devrais mentionner…” Alors qu’elle allait quitter la pièce, Ayano baissa le ton de sa voix et dit “À propos de mes petits frères. Ils… ils ont des caractéristiques peu connues des autres. Donc normalement, ils ne devraient pas venir pour te dire bonjour, ou te parler.”
Les mots que j’entendis me rendirent très nerveux.
“Hein? Ah… d’accord. Très bien. Hum, quand tu dis ‘caractéristiques peu connues des autres’… c’est à cause d’une maladie ou quelque chose du genre ?”
“Ah, non. Ce n’est pas une maladie. C’est juste qu’ils sont un peu différents des autres…” Je ne pouvais pas, d’où je me trouvais, voir l’expression du visage d’Ayano mais d’après sa voix, elle semblait assez anxieuse. Ayano continua donc, en choisissant ses mots avec précaution “Voilà pourquoi, si quelque chose de ‘bizarre’ arrive, n’y fais pas trop attention.”
Ma curiosité fut titillée par sa façon détournée de parler. Que voulait-elle dire par “bizarre”? De plus, même si elle voulait que je n’y fasse “pas trop attention”… Je dois bien avouer que j’étais un peu perplexe. Par contre, me le dire d’une façon si détournée sous-entendait qu’il y avait sûrement quelque chose qu’elle cachait aux autres. Tout le monde avait une chose ou deux dont ils ne veulent pas parler… moi y compris. Dans tous les cas, même curieux, je devais essayer de ne pas parler de ça.
“…Mm, bien sûr. Je ferai de mon mieux pour l’ignorer, ne t’inquiète pas.”
Même d’où j’étais, je pouvais distinguer l’expression sur le visage d’Ayano ; on aurait dit qu’un énorme poids était tombé de ses épaules “C-C’est vrai? Super alors… Ah, je suis vraiment désolée d’avoir dit quelque chose d’aussi louche aussi soudainement. Tu auras ton repas dès que je l’aurai fini. ”Ayano me salua une dernière fois, puis partit de la pièce.
Des pas dévalant des escaliers pouvaient se faire entendre mais très vite, tout devint silencieux.
Quelque chose de “bizarre”…hein? La façon dont elle me l’avait dit était assez étrange.
Peu importe ce qu’étaient les caractéristiques peu connues des autres, je ne lui aurais pas posé de question si elle m’avait juste dit que quelque chose d’’ennuyant ’pouvait arriver mais ‘bizarre’ ? Quelque chose de bizarre… Que ferais-je, si’ils pouvaient, genre, disparaître juste devant moi, voler, ou se transformer…
“…C’est impossible.”
Ces pensées ne me ravissaient pas beaucoup, mais après avoir réalisé que j’étais tout seul, je relâchai mes épaules et mes coudes puis soupirai.
Je n’avais rien ressenti durant notre discussion, mais interagir avec quelqu’un comme ça, seul à seul, était vraiment angoissant. Ouais. Maintenant que j’y pense, il n’y avait qu’une seule fille de mon âge avec qui je pouvais parler seul à seul, en me sentant à l’aise…
Je m’allongeai et je regardai le plafond. Sans raison, j’ai fermé les yeux, et j’ai commencé à m’imaginer ‘cette fille’ dans ma tête. Des cheveux noirs, un visage grincheux, de petites lèvres, un corps si mince qu’il semblait même un peu trop maigre, une petite taille, une attitude méprisante, une langue acérée que je connaissais si bien, tout ça avec un rare sourire…
… C’était insensé. Dès que quelque chose la concernait, et que je fermais les yeux et pensais pour un court moment, je pouvais me souvenir clairement de tout. Ah, j’étais vraiment bête... je n’avais même pas besoin de partir chercher une photo de Takane chez Monsieur Tateyama, après tout, dès que je fermais les yeux, je pouvais me l’imaginer encore plus réalistiquement que n’importe quelle photographie au monde.
Alors que mon esprit s’emballait, je ressentis le désir soudain de crier son nom…il n’y avait personne à part moi, de toute façon, donc ça allait si je n’étais pas trop bruyant. Je pris une grande inspiration, tout en gardant son image dans mon esprit, j’ouvris ma bouche pour dire son nom…
Toc, toc, toc.
“…Ta…-aaaah!..Ouiiiii..?!”
Le frappement de porte m’avait rudement secoué, ce qui induit sur mon corps des spasmes. Vu que je m’était relevé brutalement après m’être allongé par terre, je sentis un engourdissement douloureux de mon dos. Ah, ça m’avait vraiment fait super peur. J’avais failli me faire attraper dans une position assez déroutante. Alors je m’assis très vite de façon plus appropriée, et j’attendis que la personne qui avait frappé à ma porte entre. Était-ce Ayano ? Impossible qu’elle ait déjà fini de cuisiner…
“Désolée du dérangement.” La personne qui vint en me saluant était Ayano, comme prédit. Cependant, elle n’avait aucun ustensile de cuisine sur elle, et elle n’avait pas l’air d’être venue emmener mon repas.
Ayano entra à grande vitesse dans la pièce, et s’était assise en face de moi. Peut-être que je n’avais pas bien vu, mais comparé à tout à l’heure, son visage était beaucoup plus doux.
“Q-quoi donc? Tout va bien?”
En entendant mes interrogations, Ayano secoua la tête de gauche à droite et dit “Oh, non, ce n’est pas très grave. C’est juste que je voulais te dire quelque chose d’important.”
“Euh, d’accord…”
Et le repas alors? Je voulais l’interroger à ce propos mais je ne voulais pas avoir l’impression de la presser, donc j’avais juste décidé d’écouter ce qu’elle avait à me dire.
“Quand tu dis avoir quelque chose à me dire, y’a-t-il quelque chose dont tu aimerais parler avec moi ?”
“ …Oui. Plutôt qu’une discussion, je voulais te demander directement quelque chose…”Pendant qu’elle parlait, Ayano me regarda droit dans les yeux. J’avais l’impression qu’elle essayait de me dire “Il n’y a aucun intérêt à mentir sur la question que je vais te poser.”
En ayant compris ça de son regard, je me mis droit, me préparant à répondre tranquillement à la question qu’elle allait me poser. C’était une question qu’elle allait poser en pleine préparation du repas. Je me demandais sur quoi ça question allait porter.
Je me préparai mentalement à la question, puis, en laissant sur son visage une expression suspecte, elle me demanda d’une façon explosive “…Hum, tu n’aurais pas pensé à des trucs pervers, là?”
Je me sentis comme frappé violemment à un endroit complètement sans défense. Mon cœur battait comme pas possible, comme s’il criait “Me voilà !!”
“P-P-P-P-Pervers ?! Ayano, pourquoi tu me demandes ça, tout à coup?!”
O-oui…c’est vrai que je pensais à ‘cette fille’ durant un long moment mais en aucun cas ce n’était pervers ! N’importe quoi !
…Après cette pensée, je me calmai. Ce n’est pas comme si Ayano avait un pouvoir, elle ne pouvait pas lire dans mes pensées. Et puis, vu qu’elle avait dit ‘là’, elle faisait sûrement allusion à notre discussion d’avant, non… ?
“Pourquoi tu es si nerveux? …C’est trop suspect! Quand tu m’as parlé, tu m’as regardé avec des yeux lubriques !” Ayano me regardait venimeusement.
Donc elle parlait vraiment de tout à l’heure, en fait? Je pensai alors qu’elle pouvait réellement lire dans mes pensées, je devins très nerveux. Ah, tout va bien, tout va bien…
…Non, ça va pas du tout! Des yeux lubriques? Moi, regarder Ayano avec des yeux lubriques? Je n’avais aucune intention de faire ça !
Je ne pouvais pas du tout la laisser continuer comme ça, alors j’essayai de me défendre “ C’est un énorme malentendu ! Qu’est-ce qu’il t’arrive, Ayano ? Et qu’est-ce que j’ai fait pour que tu puisses penser ça ?!”
“Peu importe que ce soit vrai ou pas ! Tous les hommes sont des sauvages, j’ai pas raison ?!”
Hum, mais enfin, de quoi parlait-elle?
Ayano fit jaillir de sa bouche ses indescriptibles et nombreux reproches avec beaucoup de vigueur, et continua à m’attaquer implacablement. Rah, sérieusement, c’était quoi son problème ?! Elle avait été si calme et si soutenue jusqu’à maintenant, elle avait décidément de multiples facettes…
Au vu de la situation, qu’est-ce que je devais faire? Je ne pensais pas qu’elle me croirait si je niais mes actions… Tant pis, je vais lui demander.
“Hum…alors…comment je peux me faire pardonner?”
“Comment …?”Après avoir entendu ce que j’avais dit, Ayano resta silencieuse. Elle y pensa durant un court instant, puis ouvrit sa bouche “Alors, promets-moi de ne jamais plus me regarder avec des yeux lubriques. Et là, je pourrais te pardonner.”
“Euh, j’ai déjà dit que je n’ai pas voulu te regarder comme ça…”
“Promets-moi!” me dit-elle, en cognant la table violemment.
Ah !! Vu que c’est comme ça, je vais m’exécuter!
Je fermai mes yeux et je dis d’une voix ridiculement aigüe. “~! Je ne te regarderai plus avec des yeux lubriques ! Je te le jure !”
…Rah, mais qu’est-ce que j’étais en train de dire… ?
“Mm ! C’est une promesse!” Dès que ces mots sortirent de sa bouche, elle me fit un grand sourire. Mais après cette accusation, il était très difficile pour moi de trouver quelque chose de mignon dans ce sourire.
Toute cette histoire avait l’air de beaucoup la satisfaire, alors Ayano se leva et dit “Bon, j’y vais alors ! Pardon pour mon impolitesse… !” puis partit, fredonnant de bonheur.
Comment dire que c’était la toute première fois que j’avais pensé “J’avoue que tu n’as pas été très polie ” après avoir entendu quelqu’un dire “Pardon pour mon impolitesse”.
La porte se ferma elle-même avec un ‘clic’, la pièce redevint silencieuse, et j’étais à nouveau seul.
Qu’est-ce qui venait de se passer? Étant donné que j’avais reçu un assez gros coup dur, il me faudrait longtemps pour m’en remettre. Ayano…je la trouvais assez gentille et bien élevée, mais je n’aurais jamais pensé qu’elle avait aussi cette facette étrange. Vu son comportement, ce n’était pas normal. Peut-être était-elle très stressée ? Elle semblait beaucoup s’inquiéter pour ses frères, donc peut-être que c’était à cause de ça qu’elle était ainsi…
En repensant soudainnement à ce qui venait d’arriver avec Ayano, je restais les bras croisés face au mur. Soudain, quelqu’un frappa à la porte.
“Ah…!” Surpris une nouvelle fois, je sursautai sans le vouloir.
Aujourd’hui, et en l’espace d’une seule journée, j’avais été traumatisé par le son d’un frappement à la porte, j’en avais sursauté deux fois, mais quelle journée.
Ah, peut-être que c’était Ayano? C’était elle, à coup sûr…!
“Désolé du dérangement.”
C’était bien Ayano.
“Hum, tout va bien?” Remarquant mon visage en spasme et ma posture statique, Ayano se tourna vers moi, son petit visage rempli de confusion.
“Oui, c’est rien. Haha.”Je faisais tout pour faire comme si rien de tout ça n’était arrivé mais j’étais incapable de rire. Pourquoi elle m’avait demandé si tout allait bien, après ça, j’étais censé lui sourire tranquillement ?
“Ah…bon? Hum.. je suis vraiment désolée de t’avoir fait attendre autant pour manger. On n’avait pas assez d’ingrédients dans le frigo, donc je suis sortie en acheter…” En parlant, elle a sorti un plateau à côté d’elle et l’a placé délicatement sur la table, en laissant échapper une odeur forte et chaude qui allait vers moi .“C’est un plat chinois, j’espère que cela te plaira.”
“Mm, ne t’inquiète pas, ça me plaira !” Mon expression rigide se détendit naturellement, et les muscles de mon visage formaient un grand sourire. Il aurait été dommage que le repas refroidisse. Sans rien dire j’avais pris mes baguettes, mis mes deux mains devant moi et dit “Bon appé…”
…Une minute. Quelque chose ne tournait pas rond. Le sentiment que quelque chose était anormal me fit arrêter de parler.
Ayano me regarda avec inquiétude. “Haruka, quelque chose ne va pas? Hum, tu n’aimes pas la nourriture chinoise?”
“Ah, non, ce n’est pas ça. Euh…” La cause de mon sentiment était évidente et parfaitement logique. Vu qu’il était insupportable de ne rien dire, je décidai de lui demander.
“Ayano, tu m’as dit être ‘sortie acheter des ingrédients’, hein ?”
Ayano ne semblait pas comprendre pourquoi je demandais ça et me répondit, confuse “Mm, oui.”
J’avais raison après tout, mais du coup, les choses étaient devenues vraiment très bizarres. Si c’était vraiment vrai, alors Ayano n’aurait pas eu le temps de me dire ‘Tu m’as regardé avec des yeux lubriques, pas vrai ?!’ Sortir faire des courses, préparer le repas et faire un grabuge dans ma chambre…pouvait-on vraiment faire tout ça en si peu de temps… ?
“Ah, oui…regarde, j’ai même la liste sur moi.” Ayano sortit la liste de la poche de son cardigan et me la donna.
Fruits de mer et légumes étaient mentionnés sur la liste, mais aussi d’autres choses comme de la viande émincée et du curry, peut-être utilisés pour ce soir. Sur le ticket, le passage en caisse correspondait à la première sortie d’Ayano, en effet, elle avait bien eu le temps d’acheter les ingrédients.
Je regardai la table une fois encore. Ce bol de nourriture chinoise… Il ne ressemblait à aucun cas à de la nourriture réchauffée au micro-ondes. Les ingrédients avaient des tailles très variées, il y avait même de la citrouille dedans. Autrement dit, ce plat avait été méticuleusement préparé par quelqu’un. Et puis, il y avait beaucoup d’ingrédients dedans, ce qui voulait dire qu’il a fallu du temps pour préparer ça. Il y avait aussi la possibilité que les ingrédients avaient été préparés en avance, ça restait tout de même impossible en regardant la liste de courses.
Mais le fait qu’Ayano soit venue en chahutant tout à l’heure ne pouvait pas être ignoré.
Plus j’y pensais, plus cette situation était bizarre. Bizarre…hein? En ayant cette pensée, il n’y avait qu’une seule question que je voulais poser. Rah, je pense quand même que ce n’est pas possible.
“Hum, Ayano ,je peux te demander autre chose?”
Ayano semblait très confuse mais me sourit, avant d’hocher la tête de haut en bas.
“Dis-moi, Ayano …tu aurais une jumelle?” Ai-je demandé en affichant un sourire amer, vu la stupidité de ma question.
Ayano sembla alors se raidir, sûrement car elle réfléchit à ce que sous-entendait cette question. Ce n’était pas surprenant…si quelqu’un était venu me voir et me demandait “Tu as un frère jumeau?”, je réagirais pareil. Mais Ayano avait l’air d’avoir fait une grande découverte et a crié un “Hein ?!”, les yeux grands ouverts.
“T-Tu veux dire que quelqu’un est venu pendant que je cuisinais ? Qu’est-ce qu’elle a dit ?” M’interrogea Ayano avec une oppression différente de l’épisode des “yeux lubriques~” de tout à l’heure. Elle était incroyablement nerveuse.
Sa réaction m’avait vraiment surpris, mais vu qu’elle avait demandé, je lui avait tout raconté avec franchise : moi, être accusé du crime inconcevable de “la regarder avec des yeux lubriques”, moi devant lui faire une promesse comme quoi je ne le referai plus, et enfin, le fait que la personne qui m’avait si durement accusé avait quitté la chambre le cœur assez léger. En lui expliquant ce qu’il s’était passé, le visage d’Ayano rougissait de plus en plus, ce qui me donnait l’impression que j’avais fait quelque chose de mal.
Peu après avoir fini mon histoire, Ayano se releva d’un coup, et se dirigea vers la porte. Je pense qu’elle allait ‘s’occuper’ de quelque chose.
J’essayai tout de même de la persuader. “N-Ne lui en veux pas trop.”
Après avoir dit ça, Ayano me répondit calmement “Oui mais ça, c’est si je peux me retenir ”, puis sortit de ma chambre.
Ah, c’était vraiment incroyable tout ça. Les choses “bizarres” qu’Ayano avait mentionnées se révélaient être l’œuvre de sa sœur jumelle. Mm, tous mes doutes ont été dissipés. Et comme je le pensais, Ayano était une bonne personne.
…Bon, eh bien—
Face à la nourriture qui depuis avait refroidi, je mis mes paumes l’une sur l’autre comme plus tôt. “Bon appétit !”, au même moment où je prononçai ces mots, un pleur étranglé pouvait se faire entendre d’en bas. On dirait qu’Ayano n’avait pas pu se retenir.
En mâchant le riz qui était encore un peu dur, je penchai ma tête, me demandant si le cri que je venais d’entendre venait encore d’un jeune garçon.